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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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assassins. Et sans doute ce qu’entendait Ocquetonville devait être terrible, car ce rude homme d’armes, ce spadassin habitué aux clameurs de détresse, frémissait et, de temps en temps, essuyait une petite suée froide qui lui glaçait le front. Parfois il se redressait et grognait :
    – Mort-dieu, comme il se défend ! Il ne veut pas mourir, le bougre !…
    Et puis il se remettait à écouter l’affreuse bataille.
    Le fou se battait contre les trois ermites.
    Il les avait reconnus au moment où ils s’étaient mis à fuir vers ce grand cri de Passavant qui les appelait. Il commença la bataille au moment où ils disparurent. Ce fut quand ils se furent élancés qu’il reconstitua leur volonté de meurtre. Ils n’étaient plus là et, alors seulement, il vit dans leurs yeux qu’ils venaient pour le tuer, il vit leurs mains armées de dagues, il comprit pourquoi ils ne portaient plus le froc d’ermite ; un instant, « il les regarda », tendit ses mains vers Brancaillon et murmura : « C’est pour me faire rire, n’est-ce pas ? »
    La seconde d’après, l’épouvante l’empoigna, et il sombra dans la crise, gouffre de démence où sa pensée tomba en tournoyant comme un oiseau blessé.
    Les yeux du fou s’exorbitèrent, ses traits convulsés formèrent un masque d’horreur, sa bouche écuma ; d’un bond terrible, il se mit hors d’atteinte des trois ermites, et il se ramassa dans un angle, la dague à la main, et dès lors il entra pleinement dans la réalité des images créées.
    Il vit les assassins, au milieu de la salle, se concerter, se montrer la victime du doigt, avec une formidable tranquillité. Bruscaille disait :
    – Le roi de France ne reconnaît pas en moi le fantôme de la forêt du Mans.
    – Égorgeons-le, disait Bragaille, et puis nous le remettrons au maître des chimères.
    – Je crois, disait Brancaillon, qu’il vaut mieux le tuer en le faisant rire.
    – À moi ! hurla alors le roi. À moi ! Je suis le roi ! On égorge le roi ! À moi, capitaine ! gardes ! À moi, fantômes amis ! À moi, chimères de mes nuits ! Ha ! Truands ! Traîtres ! Qui vous paie ? Ha ! vous avez peur de frapper le roi ! Je suis le roi, le roi des batailles, vous allez voir !
    Il se tut, haleta, médita un instant qu’il fallait profiter de leur hésitation, et soudain il se rua sur eux, la dague haute. Et ce fut effroyable. Les coups qu’il assénait dans le vide faisaient gicler le sang. En bondissements frénétiques, il parcourut la salle, renversant les tables, les fauteuils, frappant, vociférant ; Brancaillon l’étreignit par derrière ; mais, avec un rugissement de victoire, il se débarrassa de l’étreinte, se baissa, saisit le colosse par les pieds et le fit tournoyer, et Brancaillon riait d’un rire de tonnerre. Ce rire de plus en plus violent tordait les nerfs du roi. Il vociférait :
    – Tourne ! Tourne dans la mort ! Ha ! Voici que tu n’as plus de tête ! Du sang ? Trop de sang ! Non ! Pas assez !
    Brusquement, Brancaillon s’évanouit, se dissipa comme une fumée, et le roi poussa des cris déchirants parce que Bruscaille et Bragaille, paisiblement, se mettaient à lui ronger la poitrine. Tout à coup reparut Brancaillon qui, par une large et béante blessure à la gorge, lui versa des flammes.
    – À moi ! On me brûle ! Oh ! c’est l’enfer !… À moi, fantôme ! Je vous dis qu’ils ont blessé le roi ! Le roi va mourir ! On tue le roi !…
    Il trébucha parmi les débris de meubles effondrés, s’abattit dans un coin, et pantela quelques secondes, dans une sorte de silence. Alors il vit les trois assassins lever ensemble des dagues d’une longueur démesurée. Ils ne frappèrent pas. Mais les dagues, se tordant comme des serpents de feu, descendirent vers lui et enfin l’atteignirent, le pénétrèrent lentement. Et il jeta une dernière clameur :
    – Je suis mort !…
    Puis Ocquetonville n’entendit plus rien. Il écouta encore quelques minutes, et alors, se redressant lentement, tout pâle, il dit à ses hommes :
    – C’est fait. Le roi est mort !
    – Dieu ait son âme ! dit sincèrement l’un des gens d’armes.
    Et tous se signèrent.
    Doucement, Ocquetonville entrouvrit la porte et se hasarda à passer la tête. Il vit la salle encombrée de débris, la panoplie arrachée, une table, là-bas vers la fenêtre, les pieds en l’air, le grand bahut de gauche sur le flanc, un entassement de

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