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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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déposa Odette sur le tapis, et il s’agenouilla. Plus rien n’exista pour lui.
    Le duc de Bourgogne regardait cela. Un tourbillon de pensées évolua dans son esprit. Un prodigieux étonnement le pétrifiait. Il eût pu aisément frapper le chevalier, mais son regard éperdu demeurait rivé sur Odette, sans qu’il se sentît la force d’un geste. Seulement, au fond de lui-même, il murmurait : « Ma fille ! C’est ma fille !… » Et tout à coup il eut un mouvement de recul terrifié, ses yeux agrandis se fixèrent sur une vision qui apparaissait, et il râla :
    – Voici la mère !… Le spectre de la mère !…
    – Roselys ! cria la voix déchirante de Laurence.
    – La voici ! dit Saïtano. Et voici, ajouta-t-il en désignant le duc, voici celui qui l’a tuée !…
    – Roselys ! répéta la voix de Passavant.
    Laurence s’était jetée à genoux. Le chevalier se releva. Il ne pleurait pas. Il lui semblait même qu’il n’y avait pas de douleur en lui, que toute sa faculté de vivre et de penser se condensait en une unique sensation de stupeur. Cela dura deux secondes. Brusquement, il comprit, « il se comprit » ! Cela fut soudain comme un coup de foudre. Il se cria que toujours, en Odette, il avait aimé Roselys ; il se sanglota éperdument que dès le premier regard, là-bas, dans la Huidelonne, il avait non pas reconnu, mais « vu » Roselys dans Odette. Ses yeux sanglants firent le tour de la salle. Il râla :
    – Son père ! Cet homme qui la tue, c’est son père ! Écoutez tous ! Jean de Bourgogne a tué sa fille !… Et moi, je n’ai pas le droit de la venger !…
    Le reste se perdit dans un sanglot d’où jaillissaient des paroles informes.
    Sans pensée, sans force, hébété d’épouvante, Jean de Bourgogne ne voyait plus que le spectre : Laurence ! Laurence vivante ! Laurence qu’il avait tuée et qui était là sous ses yeux, telle que jadis, à peine changée, embellie peut-être par la chevelure d’argent pur. Il regardait ce qui se passait comme à travers une glace qui l’empêchait d’approcher, comme en un rêve où les gestes ne sont pas saisis et compris tout de suite…
    Laurence n’avait poussé qu’une clameur :
    – Roselys !…
    Et, s’étant agenouillée, elle avait pris sa fille dans ses bras. Quelques secondes, elle contempla le visage de la jeune fille, et, d’une voix étrange, incompréhensible, et que Passavant comprit seul, d’une voix tranquille, dans une sorte de grognement sublime, elle prononça quelque chose qui voulait dire : C’est elle ; c’est ma fille…
    Jean sans Peur la vit qui semblait méditer un instant, et débattre avec elle-même sur ce qu’elle avait à faire. Et tout à coup il la vit, sans effort apparent, soulever la jeune fille dans ses bras. Elle se mit en marche. Saïtano l’escortait. Laurence se heurta au trio Bruscaille, et d’un accent de rudesse, commanda :
    – Place !
    Ils s’écartèrent.
    Elle franchit la porte, accompagnée du sorcier, et portant dans ses bras Roselys blessée, morte peut-être, sûrement privée de tout sentiment. Isabeau fit un violent effort pour s’élancer. La poigne du geôlier la maintînt, écumante, folle de rage.
    Passavant ramassa son épée. Il vit Bruscaille, Bragaille et Brancaillon, et, sans s’étonner de leur présence, leur dit :
    – Suivez-moi !
    Il se tourna vers le geôlier, et lui dit :
    – Suis-moi !
    Le geôlier lâcha la reine. Les quatre hommes se mirent à marcher près de Passavant.
    – Scas ! Ocquetonville ! hurla Jean sans Peur.
    – À nous ! cria Isabeau. Au secours de la reine !…
    Plusieurs portes s’ouvrirent, dégorgeant des flots de gens d’armes. En un clin d’œil la salle fut envahie. Ocquetonville braillait des ordres : « Douze hommes autour de Sa Majesté ! Douze autour de Monseigneur ! Sus aux meurtriers !… »
    – Arrêtez d’abord cette femme ! rugit la reine.
    Laurence et Saïtano venaient de passer dans la salle voisine. La bande des gens d’armes se rua et se heurta à Passavant entouré du geôlier, de Bruscaille, Bragaille et Brancaillon.
    – Sauvez-la ! Sauvez-les ! eut encore le temps de crier le chevalier en se tournant vers Saïtano. Nous autres, il faut que nous tenions ici cinq minutes !
    Et il eut un dernier cri :
    – Adieu, Laurence !… Adieu, Roselys !…

XXIV – L’ÉCHAFAUD
    La bande hurlante des gardes arrêtée par le chevalier de Passavant,

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