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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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attenante à celle d’Ermine Valencienne. Cette nuit-là, pour la première fois depuis bien longtemps, Laurence dormit d’un sommeil paisible. Elle se sentait protégée…
    Le lendemain, la liaison ébauchée s’acheva. Il y eut une fort longue conversation que nous ne rapporterons pas, mais dont nous signalons un fragment. Ermine, au cours de cet entretien, avoua l’horreur que lui inspirait le Val d’Amour, et elle ajouta :
    – Depuis six mois, avec Jacqueline, nous apprenons à broder. C’est difficile. Mais quand je saurai broder, je serai délivrée et je gagnerai ma vie, car je connais des dames de bourgeoisie et de noblesse qui paient généreusement les ouvrages de broderie.
    – Broderie ? murmura Laurence pensive.
    – Oui, c’est un talent qu’on n’apprend pas aux pauvres filles comme moi.
    – Mais, dit Laurence, il me semble… oui… j’en suis sûre même… je sais broder, moi !
    – Eh bien, voulez-vous que je vous dise ? Cela ne m’étonne pas. Même vous me diriez que vous savez lire et écrire, je vous croirais encore. À vous voir, à vous entendre, on devine bien, allez, que vous êtes de noblesse…
    – Moi ! s’écria Laurence avec un rire contraint. Mais je vous dis que je suis Jehanne de la rue Trop-va-qui-dure !
    Quoi qu’il en fût il demeura établi que Jehanne savait broder. Ermine battit des mains.
    À partir de ce moment. Laurence, installée dans le logis d’Ermine Valencienne, vécut pour quelques jours une vie nouvelle. Se rendit-elle compte qu’elle recevait l’hospitalité d’une fille perdue ? C’est bien improbable. Il est possible en tout cas que sa générosité d’âme lui ait conseillé l’ignorance, Ermine, de son côté, mettait tout en œuvre pour échapper à cette sorte d’esclavage qu’elle subissait. Les écharpes, les voiles de hennins et même la lingerie n’allaient pas sans broderies. Dès le lendemain, Ermine trouva de quoi occuper le talent de sa nouvelle amie et assurer ainsi leur existence à toutes deux.

III – LE MORT VIENT CHERCHER SA PLACE
    Donc le chevalier de Passavant était entré dans la chambre d’Ermine Valencienne, qui partit à la recherche d’un dîner, armée de cet écu d’or qu’elle avait gardé par une pensée de pur sentiment. Le chevalier, comme nous l’avons expliqué, mourait de faim ; il n’eut donc pas le courage de s’opposer à ce sacrifice que lui faisait Ermine. Il demeura et machinalement leva les yeux sur la femme qui entrait venant de l’autre chambre, la femme qu’avait appelée Ermine, celle qui tout simplement portait le nom de sa rue, sans doute parce qu’elle n’en avait pas d’autre.
    Jehanne Trop-va-qui-dure s’avança vers Passavant et lui dit :
    – Soyez le bienvenu, monsieur, dans le logis d’Ermine et de Jehanne. Ermine m’a conté la belle histoire de l’écu d’or et de la bagarre qui s’ensuivit. Sans vous connaître, je vous avais admiré.
    Le chevalier demeurait immobile et muet, frappé de stupeur. Enfin, il murmura :
    – Jehanne Trop-va-qui-dure… un nom de malheureuse perdue… On sait trop ce qu’est cette rue… Non, cette femme ne s’appelle pas ainsi !
    L’attitude, la voix, et jusqu’aux paroles qu’elle choisissait pour s’exprimer, tout en effet révélait chez Jehanne des habitudes de dignité morale peu en harmonie avec ce nom significatif de Trop-va-qui-dure.
    C’est ainsi, du moins, que le chevalier de Passavant s’expliquait cette stupeur qui l’accablait. Presque aussitôt, il eut la clef de son étonnement, et, presque malgré lui cria :
    – Mais… oh ! mais je sais votre nom, moi ! Et ce n’est pas celui que vous dites !
    – Mon nom ?… bégaya Laurence d’Ambrun.
    Le chevalier frémissait. Toute son enfance s’évoquait à ses yeux, comme ces scènes de théâtre qu’on illumine tout à coup, au milieu d’une profonde obscurité. Oui, il la reconnaissait, en dépit des cheveux blancs.
    Il s’avança vers Jehanne, lui saisit les deux mains, la regarda dans les yeux, et cria :
    – Laurence ! Vous que j’appelais ma grande sœur ! Laurence ! Laurence d’Ambrun ! Voyez l’homme qui vous parle, c’est Hardy ! Souvenez-vous, Hardy de Passavant !
    Laurence d’Ambrun secoua la tête d’un air farouche. En même temps elle tremblait. Elle avait cette physionomie d’obstination tragique de la femme qui refuse d’avouer, qui préfère la mort à l’aveu, sachant peut-être que l’aveu lui

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