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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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fera perdre plus que la vie. L’esprit de Saïtano était en elle. Tout ce qui était Laurence était aboli.
    Le chevalier, devant ces gestes de dénégation, pâlit. Ses nerfs vibrèrent. Sa volonté s’exaspéra de ce qu’il y avait d’incompréhensible, d’improbable dans l’attitude de Laurence.
    – Vous êtes Laurence, cria-t-il. Quoi ! Vous reniez le logis Passavant qui vous abrita ? Vous reniez ma mère qui vous recueillit ? Vous me reniez, moi, qui vous aimait en frère ?
    – Je suis Jehanne, râla-t-elle, Jehanne Trop-va-qui-dure.
    – Oh ! rugit le chevalier. Et votre fille vivante, entendez-vous ! Votre fille que je vais revoir, on me l’a juré, et que je puis remettre entre vos bras ! Roselys ! Roselys !…
    Une sorte de secousse électrique fit chanceler Laurence, à ce nom qui fut lancé à toute volée. Elle se tordit les bras. Ses yeux se révulsèrent sous l’intense effort qu’elle faisait pour se libérer. Mais elle prononça dans une sorte de grondement, comme si les paroles lui eussent déchiré la gorge :
    – Roselys ? Quel nom est cela ? Ma fille ! Je n’ai pas de fille !
    – Roselys ! Roselys ! répéta le chevalier avec une rage désespérée.
    – Il n’y a pas de Roselys ! dit Laurence d’un ton morne.
    Passavant la lâcha, recula, la contempla, et enfin retomba dans le même étonnement que tout à l’heure. Mais, cette fois, il se disait : la ressemblance est prodigieuse… j’aurais juré… et ce n’est pas elle !
    À ce moment, Ermine Valencienne rentrait dans le logis. Sur une modeste table, gaiement, elle plaça des plats d’étain et un gobelet de même métal.
    Devant les victuailles, Passavant sentit gronder sa faim un instant oubliée. Il s’attabla donc et Ermine le servit, lui versa à boire. Le chevalier mangea silencieusement, ne perdant pas de vue Jehanne qui avait repris cet aspect paisible ou plutôt indifférent qui lui était habituel. Lorsque son appétit se trouva calmé, le chevalier se leva.
    – Adieu, dit-il, et grand merci ; vous avez pour moi écorné ce pauvre écu ; je ne vous oublierai pas.
    Passavant était ému, mais rien ne lui déplaisait autant que de laisser voir son émotion. Si l’adieu était un peu brusque, le ton le corrigeait. Ermine, un peu pâle, murmura :
    – Vous m’aviez dit que vous n’aviez pas de logis…
    – C’est vrai pour l’instant tout au moins.
    – Je puis, reprit-elle en hésitant, je puis très bien partager pour cette nuit la chambre de Jehanne et vous laisser celle-ci… Je sais que peut-être, je ne suis pas digne d’offrir l’hospitalité à un chevalier tel que vous… mais…
    Passavant lui prit les deux mains, se pencha sur elle, et, fraternellement, l’embrassa sur les deux joues en disant :
    – Vous êtes digne d’offrir l’hospitalité à un prince, et je ne suis qu’un pauvre hère. Je ne veux pas que demain, au jour, on puisse dire qu’on a vu un homme sortir de chez Ermine Valencienne.
    Ermine baissa la tête et pâlit, troublée par une des joies les plus pures qu’elle eût ressenties. Le chevalier la traitait en fille dont la réputation est à ménager. Elle avait donc une réputation ? Elle n’était donc pas une fille perdue ? Le jeune homme avait trouvé la flatterie la plus délicate qu’il pût offrir à la pauvre fille de joie. Il répéta doucement :
    – Adieu donc. Je vous reverrai, soyez-en sûre.
    Ayant jeté un dernier regard à Jehanne, adressé un dernier geste à Ermine, il sortit comme onze heures du soir sonnaient au jacquemart de l’abbaye de Cluny.
    Il résulta de tout cela que cette mélancolie qui avait accablé le jeune homme disparut comme par enchantement. Une fois dans la rue, il se demanda avec surprise ce qu’il faisait là, et pourquoi il n’avait pas tout bonnement repris son gîte à la Truie Pendue.
    Il se sentait fort. Il éprouvait même quelque gaieté. Son humeur narquoise lui revenait.
    – Allons, se dit-il, tandis qu’un sourire sceptique errait au coin de ses lèvres, je sais maintenant une chose de plus, et tous les jours j’apprends à vivre : je sais maintenant qu’une pinte de bon vin est un remède contre les idées noires, si tant est que j’aie jamais eu des idées noires. J’en userai à l’occasion. Si je ne retrouve pas Roselys, je m’enivrerai comme Gringonneur, et tout sera dit. Comme c’est simple !
    Pendant que Passavant discutait avec lui-même sur cette simplicité qui

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