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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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n’était peut-être pas aussi simple qu’il le disait, une autre scène se déroulait non loin de là, dans la maison de la rue aux Fèves. Là, vers l’heure même où le chevalier quittait le logis d’Ermine Valencienne, Saïtano allait et venait, achevant les derniers préparatifs de l’expérience qu’il voulait tenter : la même expérience qui avait échoué jadis parce que l’enfant mort s’était soudain redressé sur la table de marbre.
    Le sorcier était inquiet.
    Quelque répulsion que puissent nous inspirer ces effroyables pratiques, nous n’avons pas le droit de ne pas préciser. Saïtano cherchait l’absolu : l’élixir de longue vie, si l’on veut, – ou encore : le Grand Œuvre. En un mot, l’Immortalité. C’était le rêve de ce cerveau. L’expérience qu’il méditait devait lui prouver qu’un cadavre peut revivre en de certaines conditions. C’était l’acheminement à la découverte finale. Le document volé à Nicolas Flamel affirmait une double nécessité : d’abord, le cadavre qu’on voulait faire revivre devait être celui d’un adolescent mort de mort violente, mais sans effusion de sang. Ensuite, le sang qu’on devait infuser à ce cadavre devait être du sang vivant pris aux veines de trois adolescents.
    Le sorcier allait et venait en grommelant son inquiétude.
    Il fallait un mort et trois vivants.
    Or Saïtano n’avait en tout et pour tout que Brancaillon, Bruscaille et Bragaille.
    Il fallait que l’un des trois remplît l’office qu’il demandait jadis à Hardy de Passavant. Il fallait donc se contenter de deux vivants.
    Saïtano fit un instant miroiter à la lumière du flambeau le liquide d’un flacon de verre qu’il tenait dans ses doigts maigres. Il grondait :
    – Mort sans effusion de sang, voilà ce que dit le parchemin. Eh bien ! une seule goutte de ce poison va foudroyer mon homme. Une goutte sur la langue. Tout va bien. Oui, mais le parchemin dit : le sang de trois adolescents vivants… Je n’en aurai que deux, puisque je vais tuer l’un des trois… Mais Nicolas Flamel n’a-t-il pu se tromper ? Pourquoi trois et non pas deux ? Le parchemin assure qu’il faut des enfants. Mais pourquoi des enfants ?… Et puis ceux-ci ne sont pas des hommes, ce sont des enfants…
    Avec un sauvage orgueil, il ajouta :
    – Je les ai transformés, moi !
    Il marcha sur les trois escabeaux et demanda :
    – Toi, quel âge as-tu ?
    – Quatorze ans, répondit Bruscaille en claquant des dents.
    – Et toi ? Ton âge ? Dis-le au juste ?
    – Quinze ans, répondit Bragaille en grelottant.
    – Et toi ? Combien ? Ne mens pas !
    – Seize ans ! répondit Brancaillon d’une voix où délirait l’épouvante.
    Ils étaient là tous trois. La transformation qu’il avait opérée sur Laurence d’Ambrun, le sorcier l’avait tentée sur Bruscaille, Bragaille et Brancaillon. Par le souvenir surexcité, il les ramenait à douze ans en arrière dans leur existence. Les sensations mêmes qu’ils avaient éprouvées dans la nuit où ils furent délivrés par Passavant, ils les éprouvaient encore. Ils ne disaient plus : Nous sommes des hommes… Ils disaient parfois : Si nous étions plus forts ! Si nous étions des hommes !…
    – Ce sont des enfants ! répétait Saïtano. Puisque tout en eux est revenu à l’âge d’adolescence, pourquoi leur sang seul ferait-il exception ?… C’est du sang d’adolescent, voilà le vrai !
    Vers onze heures et demie, Saïtano s’approcha d’eux encore et les examina.
    – Lequel ? se dit-il. Lequel des trois va être l’enfant mort sans effusion de sang ?
    Il les inspecta avec une lugubre attention, et tout à coup, posa son doigt maigre, son doigt, de squelette sur le front de Brancaillon.
    Brancaillon jeta un hurlement de terreur.
    – À minuit, nous commencerons, dit Saïtano.
    Les trois se mirent à hurler. Que devait-on commencer à minuit ? Ils ne savaient pas. Mais ils devinaient que ce serait atroce, et leur chair tremblait, leurs nerfs vibraient, leurs muscles se tendaient à se briser, dans l’effort de défense. Leur étrange clameur emplit la salle. Tout à coup, la porte s’ouvrit. Une femme parut. Elle dit :
    – Vous n’entendez donc pas qu’on heurte à la porte ?
    Saïtano sursauta, frissonna, et d’une voix de pathétique menace :
    – Silence, vous, autres, ou je commence tout de suite !
    Ils se tassèrent, les têtes rentrées dans les épaules ; ils se

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