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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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matin.
    Passavant était entré dans les carrières en la nuit du lundi au mardi.
    Il fit rapidement le compte et frémit.
    – Comment suis-je encore vivant ? songea-t-il.
    Il s’étonnait, il s’émerveillait d’être resté trois jours et trois nuits sans boire ni manger. Il ne savait pas ce que savait Saïtano. C’est que l’agonie de la faim et de la soif, si elle est la plus effroyable, est aussi la plus longue ; elle peut durer dix jours et au delà.
    – Vous faut-il quelque chose, mon gentilhomme ? reprit la vieille femme.
    Passavant restait là, honteux de ce qu’il avait à dire. Il se décida tout à coup.
    – Eh bien, oui, dit-il en tremblant, un peu d’eau… si vous voulez bien…
    – De l’eau ? Jésus ! Un flacon de bon vin, oui ! Pour un seigneur aussi aimable…
    – Je vous en supplie, râla Passavant, un peu d’eau… vite ! oh ! vite !
    Comme il arrive toujours, l’idée qu’il allait enfin boire déchaîna sa soif. Dans ces quelques secondes, il souffrit de la soif plus qu’il n’en avait souffert dans les galeries. Il eût tué. Il sentait sa tête s’égarer. La femme reparut portant un grand gobelet plein d’eau. Le chevalier le saisit avec fureur et le vida.
    – Encore ! dit-il.
    Cinq ou six gobelets d’eau furent apportés coup sur coup par la bonne vieille, émerveillée qu’un gentilhomme eût une si belle soif et qu’il se contentât de boire de l’eau.
    Le chevalier se sentait ranimé. Il sourit à la vieille et la remercia avec une effusion qui l’étonna plus encore que le reste. Puis il sortit, et, bien qu’il eût été prévenu qu’on était au matin, éprouva une véritable stupeur à voir le grand jour.
    Dans la rue, les passants allaient et venaient.
    Mais d’Ocquetonville et sa bande avaient disparu.
    Passavant regarda autour de lui et se rendit compte qu’il se trouvait au pied de la montagne Sainte-Geneviève, sur le versant opposé à l’abbaye de Cluny. Il calcula la distance qui séparait l’abbaye du lieu où il se trouvait, et demeura effaré de constater combien minime était cette distance. Pourtant, il avait marché, ah ! marché pendant des jours et des nuits ! Il frissonna de terreur. C’est alors seulement qu’il se rendit un compte exact de ce qu’était l’effroyable labyrinthe de ténèbres.
    Passavant se secoua pour échapper à ces impressions rétrospectives. Il se mit en route.

VIII – LES GUÉRISSEURS DU ROI
    Ce matin-là, un dimanche, dans un misérable cabaret de la rue des Francs-Bourgeois (ce qui signifiait rue des voleurs, des truands, des escarpes, si l’on veut) dans ce cabaret, donc, sombre, triste, nauséeux, Brancaillon, Bragaille, Bruscaille, inséparables dans l’infortune de leur fortune éclipsée, étaient assis sur un banc devant une table.
    Les trois compères avaient la mine longue d’une aune. Ils étaient blêmes ; ils avaient maigri ; Brancaillon était, en grosseur, réduit aux proportions d’un homme ordinaire ; Bragaille avait l’allure d’un moine au sortir des grands jeûnes de carême ; quant à Bruscaille, c’était un squelette. Ils claquaient des dents et roulaient des yeux terribles vers la cuisine d’où s’échappaient des odeurs de basse catégorie, mais qui étaient pour eux d’ineffables parfums.
    Et leurs costumes ! Ah ! certes, les trois séides de Jean Sans Peur n’étaient plus ces gentilshommes sinon brillants, du moins cossus, qu’ils étaient aux temps heureux et lointains où ils habitaient l’hôtel de Bourgogne.
    À des prix misérables, pour avoir de quoi manger un jour ou deux, ils avaient vendu à la grande friperie qui sa casaque de buffle, qui son chaperon, qui ses belles bottes de cuir fauve. Ils étaient emmaillotés d’étranges oripeaux ; le dernier mendiant de la cour des Miracles leur eût fait l’aumône.
    Ils grelottaient. Dehors, il faisait un froid noir. Le ciel, chargé de neige, leur était un muet anathème.
    – J’ai froid ! dit Bruscaille en serrant les épaules.
    – J’ai faim ! dit Bragaille en bâillant.
    – J’ai soif ! dit Brancaillon en louchant vers une outre installée dans un coin.
    Ils eussent pu intervertir les couplets de cette complainte. Faim, froid, soif, c’était toute leur vie depuis trois ou quatre jours. En effet, l’idée que Brancaillon avait émise et qui avait été si triomphalement adoptée n’avait donné que de piteux résultats. Marion Bonnecoste, que Brancaillon s’était

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