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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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j’aurais dû, pour le salut de mon âme, faire exécuter l’exorcisme par ma propre femme, c’est-à-dire celle qui m’était unie par les liens sacrés du mariage. J’eus beau lui objecter que je n’étais pas marié… Il n’en voulut pas démordre et soutint que j’avais risqué l’éternelle damnation…
    Le roi tressaillit.
    Il est certain que sur cet esprit la crainte de la damnation exerçait une influence décisive.
    – Il faudrait donc… murmura-t-il avec une évidente répulsion.
    Et il se tut. Brancaillon, rondement, ajouta :
    – Il faudrait, sire, que Sa Majesté la reine, qui vous est unie par le mariage, consentît à aspirer le démon. Je vous réponds de la réussite. Quoi de plus facile ?…
    Le fou se leva tout agité. Il se prit à arpenter la pièce de ce pas inégal, tantôt morne et lent, tantôt précipité, qu’il avait lorsque se préparait une de ses affreuses crises.
    – La reine ! balbutia-il. La reine ! Consentira-t-elle seulement ?… Elle ne m’aime pas !… Que lui importe ce que je puis souffrir ? La reine ! ajouta-t-il sourdement avec une colère, croissante. Qui sait si elle ne s’est pas écartée de moi pour éviter que, par cet exorcisme… Ah ! par Notre-Dame ! je veux…
    Ses yeux devenaient hagards. Ses lèvres commençaient à se plisser nerveusement.
    Il eut un strident éclat de rire, puis un sanglot déchira sa gorge.
    Stupéfaits et tremblants, les trois ermites assistaient, immobiles, silencieux, à ce terrible spectacle.
    Ils n’avaient vu jusque-là dans le roi qu’un homme affable, docile, patient, écoutant avec une étrange politesse les fantaisies les plus extraordinaires, se prêtant de bonne grâce à toutes les grimaces de leurs exorcismes. Le fou se montrait !… La démence éveillée allait se déchaîner !…
    Brusquement, il revint sur Brancaillon et gronda :
    – Tu dis donc que la reine… tu dis la reine, n’est-ce pas ?… Parle donc, stupide ermite !…
    – La reine, bégaya Brancaillon effaré, terrifié, oui, sire, la reine.
    – Il suffit ! dit Charles avec une majesté tragique. Je vais… holà ! mon capitaine !…
    Le capitaine des gardes du roi entra. Un coup d’œil lui suffit pour voir ce qui se préparait. Il jeta un regard de travers aux ermites consternés et, s’avançant rapidement sur Charles :
    – Sire, dit-il, voulez-vous qu’on aille chercher la demoiselle de Champdivers ?
    Souvent ce nom seul calmait le fou. En pleine crise, même, dès qu’Odette apparaissait, dès qu’elle mettait sa main sur le front du roi, tout s’apaisait en lui. Mais, cette fois, il se mit à hurler :
    – L’ermite a dit : la reine !… Je veux aller chez la reine !… Capitaine, prenez douze gardes avec vous et suivez-moi. Vous allez voir la reine me guérir !…
    Il eut un éclat de rire d’une poignante tristesse, et s’élança. Strict observateur des consignes qu’il recevait, le capitaine, à la tête de douze hommes d’armes, suivit le roi qui, prenant de l’avance, traversa en courant les jardins déserts, et arriva en présence du palais d’Isabeau.
    D’un bond, tout hagard, tout haletant, il pénétra dans le grand vestibule du rez-de-chaussée, leva les yeux et un cri monta jusqu’à ses lèvres.
    Il s’arrêta court.
    Là-haut, dans la galerie, au bord du large escalier, Isabeau de Bavière et Bois-Redon étaient d’abord demeurés frappés de stupeur. Ce fut avec une sorte de lenteur tragique qu’ils s’écartèrent l’un de l’autre. La figure convulsée, Isabeau attendait. Le meurtre luisait dans son regard. Impassible, indifférent, si on peut dire, Bois-Redon se disait que le moment d’en finir était sans doute arrivé.
    Charles VI était-il certain de la fidélité d’Isabeau ? Le contraire paraît prouvé. Il y avait longtemps qu’il vivait séparé de la reine. Dans ses heures d’accalmie et de demi-raison, il la méprisait et la redoutait. Il la soupçonnait. Et son soupçon était presque une certitude.
    Mais jamais il n’y avait eu flagrant délit…
    Cette fois, il tenait « la preuve ».
    Il se mit lentement à monter l’escalier.
    La reine le vit si pâle, si calme, si farouchement résolu, que la terreur, en un instant, fit irruption et submergea son cœur. Elle ne sut plus où elle était, ni qu’elle était la reine. Elle comprit seulement que des choses terribles allaient se passer, il fallait se défendre. Il fallait, d’un seul bond

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