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Jean sans peur

Jean sans peur

Titel: Jean sans peur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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confesseur, tu insultes Brancaillon ! Ah ! Par les ongles de Belzébuth ! Par le Ventre-Dieu ! Par les flammes ! Par la gorge de Marion ! Tu vas voir ce qu’il en coûte !…
    Et l’on vit le confesseur retrousser ses larges manches de son froc et lever un poing formidable. Bois-Redon, de son côté, se mit en garde, les deux poings en position…
    Les deux colosses allaient se ruer l’un sur l’autre.
    Ils allaient s’assommer !
    À ce moment, les rangs de la foule s’écartèrent. Une houle de dégoût, de mépris, de terreur fit osciller toutes ces têtes empanachées. Un homme s’avançait, vêtu de noir sous le vaste manteau rouge dont il s’enveloppait. On lui ouvrait le chemin. Nul ne tenait à être frôlé par cette apparition.
    Il y eut de sourds jurons, il y eut des signes de croix. On grondait :
    – Pourquoi le sorcier de la Cité a-t-il libre accès dans l’Hôtel Saint-Pol ?
    Saïtano s’avança rapidement et se plaça entre Brancaillon et Bois-Redon…

XV – LES MYSTÈRES DU GRAND ŒUVRE
    Le sorcier regarda un instant Brancaillon, et le poing du géant, levé pour assommer son adversaire, aussitôt retomba. L’ermite recula effaré, se couvrit le visage de son capuchon et murmura :
    – Je suis vivant, maître, je suis vivant !
    Son pauvre esprit sombra dans l’épouvante. Saïtano l’eût renversé en le touchant du bout du doigt.
    – Va-t’en, dit-il.
    – Tout de suite ! fit Brancaillon enchanté.
    Et il s’en alla, trébuchant, tandis que le roi et les gentilshommes qui l’entouraient éclataient de rire.
    – Allons, cria Charles avec une gaieté fébrile, voici notre ermite qui ne veut pas confesser le brave capitaine des gardes de Madame la reine. Sorcier, voudrais-tu donc te charger de la besogne ?
    Saïtano s’inclina, plia en deux sa longue échine, et se redressant, d’un ton sinistrement jovial :
    – S’il plaît à Votre Majesté…
    – Mais je ne veux pas, moi ! dit sourdement Bois-Redon.
    La reine, qui avait d’abord paru se désintéresser du sort de son capitaine, assistait maintenant à cette scène avec une profonde attention. D’étranges pensées montaient lentement dans son esprit, et y érigeaient des images qui surexcitaient en elle un funèbre intérêt. Elle ne quittait pas Saïtano des yeux, et un espoir imperceptible, éloigné encore comme une pâle étoile perdue au fond des nuées, la faisait palpiter.
    – Sire, dit Saïtano du même accent bizarre et jovial, Votre Majesté m’a déjà vu à l’œuvre. Vous savez que je puis calmer les appréhensions de cet homme qui va mourir… Mourir, entendez-vous ? C’est chose assez grave, il me semble. Laissez-moi au moins lui faire la mort plus douce.
    – Soit ! dit le roi en détournant la tête. Je veux bien qu’il s’en aille de ce monde, car il a cruellement offensé… la reine ! Mais je ne tiens pas à le faire souffrir.
    – Passions ! rugit en lui-même Saïtano. Pauvres minuscules passions qui, de votre souffle si léger, causez de tels bouleversements parmi les hommes ! Vie imbécile ! Vie stupide ! Inanité, vanité effroyable de cette vie sans but ! – Que c’est pauvre ! Et quel hideux désordre ! ajouta-t-il tout haut dans un strident éclat de rire.
    Nul ne comprit ces exclamations.
    Le roi seul, le fou les écouta gravement, et, sans savoir pourquoi, approuva d’un signe de tête.
    Saïtano s’approcha vers Bois-Redon. Le capitaine cria :
    « Arrière ! Va-t’en au diable ! » Et, se tournant vers l’exécuteur :
    – Allons, fais ton office. Par Notre-Dame, faut-il tant de façons pour attacher une cravate de chanvre au cou d’un gentilhomme ?…
    – Écoutez, murmura le sorcier à voix basse, je vous suis envoyé par la reine.
    Bois-Redon tressaillit. Une légère rougeur se plaqua sur son visage de poupée jusque-là livide.
    – La reine ? balbutia-t-il avec ferveur, comme il eût dit : « La vierge puissante ! La reine des cieux ! »
    – Voulez-vous donc la désespérer ? reprit rapidement Saïtano.
    – Moi ! fit le colosse avec stupeur. Moi qui meurs pour elle ! Moi qui consentirais à subir dix fois le supplice qu’on va m’infliger !…
    – Eh bien ! si vous voulez qu’elle vous garde un souvenir d’amour dans son cœur, buvez ceci !
    En même temps, d’un geste rapide, Saïtano sortit de dessous son manteau un minuscule flacon. Le condamné le saisit, le tourna dans ses doigts avec de la

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