Jean sans peur
d’esprit, se ruer à la résolution suprême. Elle se pencha sur Bois-Redon et gronda :
– Tue-le !…
Bois-Redon, effroyablement pâle, commença à descendre l’escalier.
À ce moment, le capitaine des gardes parut dans le vestibule escorté de ses douze hommes d’armes.
L’instant fut sinistre.
Bois-Redon s’arrêta ; il avait aux lèvres le pâle, l’indéfinissable sourire du vaincu qui va mourir.
– Lâche ! rugit Isabeau. Va donc ! Mais va donc !…
Ces mots, elle crut les crier. Elle les cria en elle-même. Aucun son autre qu’une sorte de gémissement ne se fit entendre.
Déjà le capitaine était au milieu de l’escalier, près du roi, devinant tout d’un coup d’œil, et il dit :
– Sire de Bois-Redon, où allez-vous ?
C’était la porte ouverte à de possibles explications capables d’amener une détente et une entente. Le roi se tourna vers son capitaine. Il bégaya on ne sait quoi. Mais le geste suppléa à la parole. Il étendit vers Bois-Redon une main qui tremblait convulsivement. Et alors son capitaine prononça :
– Sire de Bois-Redon, au nom du roi mon maître, rendez-moi votre épée.
Bois-Redon obéit sans un mot, dégrafa la dague et l’épée, les remit au capitaine qui les donna à un de ses hommes. Le roi monta. Son capitaine suivit avec les gens d’armes au milieu desquels se trouvait Bois-Redon.
Arrivé dans la galerie, le roi s’arrêta près d’Isabeau. Ils se regardèrent. Elle se raidit, s’immobilisa, se pétrifia, comprenant qu’au premier mot, qu’au premier geste, elle était arrêtée, à moins que le roi ne l’abattît d’un coup de poignard.
Encore une fois, le capitaine des gardes tenta la détente. Il dit :
– Majesté, en quel cachot faut-il conduire ce gentilhomme ?
Le roi se tourna vers le capitaine, le toisa de la tête aux pieds, et bredouilla :
– Gentilhomme ?…
– Majesté, répéta le capitaine, où faut-il conduire Bois-Redon ? Dans les prisons du palais ?
Le roi éclata de rire. Ce fut terrible. Isabeau se mordit les lèvres pour ne pas crier.
– Aux Fourches ! À la hart ! Comme un manant ! Comme un coupe-bourse ! Comme un truand ! Un voleur pris sur le fait ! Aux fourches ! À la potence !…
– Le procès, sire ! Il faut le procès !…
– Il n’y a pas de procès pour le voleur pris sur le fait ! En route ! Aux Fourches ! En route, ou je vous fais pendre, vous, pour crime de rébellion !…
Isabeau ferma les yeux.
Le roi marcha sur elle, la toucha au bras, frissonna, et, avec une funèbre douceur, murmura :
– Venez, madame.
Elle chancela. Tout de suite, elle comprit ce que voulait le roi. Elle essaya de résister et balbutia :
– Venir ? Où cela, sire ?… Je suis fatiguée… laissez-moi rentrer en mon appartement.
– Venez, répéta le roi avec la même douceur.
– Où ? cria-t-elle. Où voulez-vous que je vienne ?
– Voir pendre votre amant, dit-le roi.
Elle recula. Elle frémit. Elle sentit grelotter son cœur. Un sanglot monta à sa gorge… C’était une femme exaspérée par les passions de l’amour et de l’ambition, mais c’était une femme. Aimait-elle Bois-Redon ? Pourquoi pas ? C’est probable. Si fort, si robuste, si obéissant, si stupide, elle avait dû finir par éprouver pour lui plus que de l’affection comme on en a pour le chien familier. C’était son arme d’attaque et de défense. Près de lui, cent fois, elle s’était hasardée la nuit hors de l’Hôtel Saint-Pol. Près de lui, sans autre escorte, elle se sentait infiniment rassurée. Oui, un peu plus que sa tigresse, elle devait l’aimer.
– Sire roi, dit-elle dans un râle d’horreur, de tels spectacles, vous le savez bien, me font mal. Je n’irai pas !
Un peu plus, le roi se rapprocha d’elle et, la figure dans la figure, lui parla :
– Madame, votre amant va être pendu. Vous serez là. Vous le verrez mourir. Si vous ne venez pas, je vous jure que je vous fais arrêter à l’instant, et que je réclame contre vous le châtiment des adultères. Attachée nue sur un âne, la tête vers la queue de la bête, vous serez, madame, promenée, à travers la Ville, la Cité, l’Université et l’exécuteur des hautes œuvres vous fouettera. Allons, madame, évitez ce scandale à la royauté de France que vous avez suffisamment déshonorée. Venez-vous ?
– Je viens ! dit Isabeau dans un souffle.
– Capitaine, dit le roi, donnez la main
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