Jeanne d'Arc Vérités et légendes
s’était évaporée. Est-ce, comme le
pense l’historien Pierre-Gilles Girault, une autre des identités multiples de
Claude ? Si elle l’avait dénoncé, il aurait pu dire qu’il doutait de son
identité réelle. Et qui aurait-on cru, le grand seigneur ou
l’aventurière ?
De toute façon, Claude n’était pas très intéressée par
Cologne, Metz ou Le Mans. Dès sa réapparition, elle cherche prioritairement à
entrer en contact avec le roi et avec la ville d’Orléans. Elle envoie messagers
et lettres qui arrivent fin juillet, début août dans la ville ligérienne. Son
frère Jean du Lys, accompagné de quatre cavaliers, y passe aussi fin août après
être allé porter un message à la Cour. Il en profite pour remplir modestement
sa bourse pour pouvoir regagner Arlon. C’est un habitué des lieux, puisque les
comptes de la ville d’Orléans permettent de savoir qu’il y est déjà venu et a
été bien reçu en janvier 1436 (et non 1435, les mythographes ont toujours des
problèmes avec le passage ancien style-nouveau style). D’autres lettres ont été
envoyées à Guillaume Bellier, bailli de Troyes. Désireux de vérifier quand même
une nouvelle aussi extraordinaire, les Orléanais envoient à Arlon leur
poursuivant d’armes Cœur de lis, qui part le dernier jour de juillet et revient
le 2 septembre (soit trente-trois jours). Il est donc arrivé à Arlon mi-août et
nous savons que Claude était alors à Cologne. Il n’a pu que récolter des
témoignages et des lettres. Ou bien il est resté jusqu’au retour de Jeanne de
Cologne, dont nous ne connaissons pas la date précise, puisque ce départ en
cachette n’a pas été signalé aux autorités urbaines et n’est donc pas
enregistré. De toute façon, les édiles Orléanais sont convaincus, Cœur de lis
se voit offrir « pain, poires, cerneaux de noix » et du vin,
« car il avait grand soif ». Orléans devient un centre de diffusion
actif de l’heureuse nouvelle.
Puis plus rien pour 1437 et 1438, mais les archives de Tours
prennent le relais : le 27 septembre 1438, des lettres sont échangées
entre le bailli de Touraine et le roi « à propos du fait de dame Jeanne
des Armoises », et une autre lettre de celle-ci est remise au roi.
En revanche, les comptes d’Orléans sont à nouveau très
prolixes et enregistrent la réception fastueuse que fait la ville à
Claude-Jeanne entre le 28 juillet 1439 et le I er août de cette même
année, où elle quitte brutalement la table, « avant que le vin fut
venu », ce qui est d’une extrême impolitesse. Qu’a-t-elle gagné à cette
visite quasi officielle ? Tous les Orléanais d’un certain rang sont
désormais persuadés qu’elle est bien Jeanne d’Arc. Elle a abusé nombre de ceux
qui avaient croisé Jeanne en 1429. La ville reconnaissante lui fait un don de
210 livres le 1 er août « pour le bien qu’elle a fait à la ville
durant le siège ». Le soir même a lieu le fameux banquet où elle
s’évapore. A-t-elle eu peur de rencontrer le roi ? Celui-ci n’était
annoncé que pour la fin du mois. Charles se déplace avec tout un entourage et
des bagages : une arrivée inopinée est extrêmement improbable. Mais un
imposteur vit sur le fil du rasoir : il suffit d’une question sans
réponse… Toujours est-il que les Orléanais sont toujours aussi bien disposés
envers Claude-Jeanne en septembre et octobre 1439. Jusqu’à quand ?
Là, les historiens divergent. Olivier Bouzy opte pour une
dernière visite de Claude-Jeanne à Orléans le 4 septembre 1439, tandis que
Pierre-Gilles Girault soutient qu’il s’agit du 4 septembre 1440, juste avant
son admonestation à Paris. Pour les mythographes, il s’agit de 1440, car c’est
le seul moyen pour que Claude et Isabelle Romée, qui arrive à Orléans en 1440,
s’y croisent. Fille dévouée, Claude serait allée voir sa mère qui venait d’être
malade ! Toujours est-il que ces mois qui vont de septembre 1439 à septembre
1440 signent une nouvelle disparition de notre héroïne. A-t-elle combattu en
Poitou ? Peut-être, mais il n’y a pas lieu de lui attribuer un siège
imaginaire de La Rochelle qui n’est mentionné que par des chroniques
castillanes fort tardives.
En revanche, c’est probablement durant l’été de 1440 qu’il
faut situer l’entrevue de Claude et du roi. Elle nous est connue par un texte
unique et tardif, les Hardiesses des rois et empereurs de Pierre Sala,
écrit vers 1516. Pierre
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