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Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Jeanne d'Arc Vérités et légendes

Titel: Jeanne d'Arc Vérités et légendes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Colette Beaune
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raconte cet épisode d’après les confidences de
Guillaume Gouffier, valet de chambre et favori de Charles VII. Le roi est
curieux de rencontrer « une Pucelle affectée qui ressemblait beaucoup à la
première. Et voulait-on donner à entendre que c’était la première qui était
ressuscitée » (carrément ; nos mythographes n’osent pas aller
jusque-là !). Charles la fait amener devant lui. Les courtisans qui
soutiennent l’imposture la préviennent que Charles VII, blessé à la jambe,
porte une bottine de cuir fauve. La scène de la reconnaissance, très parallèle
à celle de Chinon, se déroule donc au mieux. Charles l’accueille avec
bienveillance et déclare : « Pucelle ma mie, soyez la très bien
revenue, au nom du secret qui est entre vous et nous. » Miraculeusement, à
ce seul mot, elle se jette à genoux et confesse toute la trahison. Ses
complices « furent justiciés très âprement » (sévèrement punis). Le
texte pose quand même quelques problèmes aux mythographes, puisque Claude y
admet clairement son imposture. Il faut donc que la trahison renvoie à autre chose
dans l’histoire de Jeanne d’Arc, la vraie, un fait qui ressemblerait à une
forfaiture. En mars 1429, Jeanne aurait quitté Sully-sur-Loire pour attaquer
Paris toute seule [60] et se porter au secours d’une conjuration parisienne organisée par le carme
Pierre d’Allée (qui obtint, paraît-il, une lettre de rémission en avril 1429).
Mais cette histoire est d’une totale invraisemblance, puisque Jeanne était
alors interrogée par la commission de Poitiers. Et, en mars 1430 (soyons bons),
nous n’avons trace de rien de ce genre.
    Le terrain devient plus sûr, heureusement, en septembre 1440
grâce au superbe texte du Bourgeois de Paris. Le Parlement (prévenu par le roi
peut-être) se fait amener cette Pucelle. « Elle fut montrée au peuple au
Palais sur la pierre de marbre, en la grande cour. Et là, elle fut prêchée et
furent traités sa vie et tout son état. Dit qu’elle n’était pas Pucelle,
qu’elle avait été mariée à un chevalier dont elle avait eu deux fils… »,
bref, elle avoue ses fautes passées pour lesquelles elle est allée demander
pardon à Rome. Satisfait de cet aveu public de l’imposture, le tribunal la
laisse partir. « Elle retourna encore à la guerre, fut en garnison et puis
s’en alla. »
    L’épisode parisien marque un tournant dans l’histoire de la
dame des Armoises. Elle disparaît pour dix ans et n’aura plus jamais par la
suite de groupes nombreux pour l’accompagner. En Lorraine, ses
« frères » (dont l’un, Jean, a activement participé à la supercherie)
sont enfin récompensés par le roi et le duc d’Orléans. Jean devient prévôt de
Vaucouleurs, Pierre se voit accorder la seigneurie de l’Isle-aux-Bœufs en 1443
par Charles d’Orléans, enfin revenu de sa captivité en Angleterre. Baudricourt
est nommé bailli de Chaumont-en-Bassigny en octobre 1437. À Orléans, où Jeanne
d’Arc reste très populaire, les élites détrompées recommencent, après deux
années d’interruption (1437-1438), à célébrer la fête du souvenir de feu la
Pucelle, la vraie.
     

Une multitude de
Jeanne !
    Pourtant, une femme réapparaît, dix ans plus tard, cette
fois à Sermaize-les-Bains, près de Domrémy, où habitent des cousins de Jeanne
d’Arc. Une «  Enquête sur la descendance de Jean de Vouthon, frère de la
mère de la Pucelle  » a en effet été effectuée en 1476 dans ce village,
à la demande de Collot de Perthes, petit-fils de Jean, qui devait prouver sa
noblesse, donc sa parenté avec Jeanne. Treize témoins furent interrogés ;
l’un rapporta des souvenirs de la vraie Jeanne que son père lui avait racontés
et deux évoquèrent la Pucelle de Sermaize. Entre 1449 (« il y a vingt-sept
ans », dit Jean de Montigneue) et 1451 (« il y a vingt-quatre
ans », dit le curé Simon Fauchait), ils ont vu surgir « une nommée
Jehanne soi-disant être la Pucelle, native comme elle disait de la ville de
Domrémy en Barrois », qui but, mangea et fit bonne chère « es maisons
des-dits Vouthon ». Elle était en habit d’homme et joua à la paume fort
hardiment avec le curé, qui en fut très joyeux. Etait-ce Claude ou une autre
fille ? Seule preuve de son identité, elle était accompagnée d’un savetier
d’Orléans, Collesson Coûtant, qui connaissait probablement Pierre d’Arc et
Isabelle Romée et put en parler. Le moins qu’on

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