Joséphine, l'obsession de Napoléon
consent à mon retour à Malmaison, et qu’elle veut bien m’accorder les avances que je lui ai demandées pour rendre habitable le château de Navarre.
Cette double faveur, Sire, dissipe en grande partie les inquiétudes et même les craintes que le long silence de Votre Majesté m’avait inspirées. J’avais peur d’être entièrement bannie de son souvenir.
On était bien loin des effusions d’antan.
J’irai à la fin du mois à Malmaison ; je m’en éloignerai bientôt pour aller aux eaux. Mais pendant que je serai à Malmaison, Votre Majesté peut être sûre que j’y vivrai comme si j’étais à mille lieues de Paris. J’ai fait un grand sacrifice, Sire, et chaque jour je sens davantage toute son étendue. Cependant ce sacrifice sera ce qu’il doit être ; il sera entier de ma part. Votre Majesté ne sera troublée, dans son bonheur, par aucune expression de mes regrets.
Je ferai sans cesse des voeux pour que Votre Majesté soit heureuse ; peut-être même en ferai-je pour la revoir. Que Votre
Majesté en soit convaincue, je respecterai toujours sa nouvelle situation. Je la respecterai en silence. Confiante dans les sentiments qu’elle me portait autrefois, je n’en provoquerai aucune preuve nouvelle ; j’attendrai tout de sa justice et de son coeur.
Le ton excessivement déférent agaça le destinataire :
Mon amie, je reçois ta lettre du 19 avril ; elle est d’un mauvais style. Je suis toujours le même ; mes pareils ne changent jamais.
Voire. Il envoya l’autorisation de retour à la Malmaison ; le ton direct de sa lettre soulagea Joséphine. Elle écrivit des remerciements comme autrefois, chaleureux, baignant dans l’émotion.
Quand elle regagna sa chère campagne, le 15 mai, Napoléon et Marie-Louise étaient partis pour un grand voyage en Belgique. Et, après qu’ils eurent regagné Paris, le 1 er juin, Joséphine espéra qu’elle pactiserait avec Marie-Louise et réaliserait un arrangement harmonieux où Napoléon trouverait la paix du coeur. Elle y fut encouragée par une visite de celui-ci, le 13 du même mois ; la durée en a été exactement chronométrée : il arriva à midi dix et repartit à 13 h 51. Dès qu’ils se virent, ils s’embrassèrent et partirent se promener dans les jardins.
— Entrevue magnifique, jugea le sommelier Piout, qui observait la scène comme tout le monde.
Napoléon aussi avait espéré que les deux impératrices établiraient une relation de bonne entente. Telle n’était cependant pas la disposition de Marie-Louise, qui apprit la visite de son époux à la Malmaison et s’en indigna :
— Comment peut-il éprouver le désir de voir cette vieille dame ? Et une femme de basse naissance !
Mais la correspondance entre les anciens époux se poursuivit, affectueuse et chaleureuse. Ils étaient trop liés par les années partagées pour qu’un divorce même pût les séparer. Les mensonges, les trahisons, les faiblesses ne seraient que des moucherons lancés à l’assaut de la flamme qui les consumait, et les orages des querelles ne seraient désormais que cela, des orages.
Ils étaient partis sur le même bateau pour un voyage qui durerait jusqu’à l’au-delà. Le temps des larmes était passé, Joséphine retrouva la jeunesse du coeur, et partant un regain de beauté. Sa séduction y gagna, elle le remarqua bien à l’accueil qu’on lui faisait lors de ses brefs voyages.
Hortense la rejoignit à Aix-les-Bains le 15 juin, après la cure désormais inutile mais traditionnelle à Plombières ; elle y rejoignit aussi l’homme qui la troublait depuis longtemps, Charles de Flahaut, qui était en fait le fils de Talleyrand et de sa « honteuse maîtresse » Adèle de Flahaut. Leur liaison était en fleur. Aussi était-elle libre : après huit ans de mariage, elle s’était séparée de Louis et, mieux, en juillet, elle apprit que ce dernier, de plus en plus dérangé, avait abdiqué du trône de Hollande et s’était retiré en Bohême.
On ne dispose d’aucune indication sur la réaction de Joséphine à l’égard de ces événements, ni celle de Napoléon non plus ; mais on conçoit que si Hortense n’était plus la reine de Hollande, elle était désormais la reine Hortense, comme sa mère n’était plus l’Impératrice de France, mais l’impératrice Joséphine. Elle avait occupé une trop grande place dans le coeur de Napoléon pour disparaître ainsi ; il lui avait même donné le pas sur son propre
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