Joséphine, l'obsession de Napoléon
frère, puisqu’il lui avait fait don du domaine de Saint-Leu, avec les revenus nécessaires pour l’entretenir. En tout cas, elle avait repris sa place à la cour ; sans doute sa présence était-elle un symbole de celle de sa mère. Quant à la Hollande, elle n’avait plus besoin de roi : elle fut annexée à l’Empire.
Ainsi en allait-il des volontés impériales, elles décidaient du sort des nations comme de celui des sujets.
L’année 1810 apparut comme un zénith dans le cercle impérial. L’harmonie s’étant rétablie entre Napoléon et Joséphine, celle-ci y retrouva sa joie de vivre. Bien qu’autorisée un temps à séjourner à la Malmaison, elle se vit de nouveau priée de s’éloigner de Paris, pour satisfaire au désir de l’Empereur qu’elle ne portât pas ombrage à Marie-Louise. Elle s’y plia, peut-être flattée de la jalousie de celle-ci, pourtant plus jeune. Elle voyagea donc. Elle alla à Neuchâtel chez le comte de Pourtalès, son écuyer après avoir été l’aide de camp de Louis. Puis elle alla à Lausanne, à Ferney, à Coppet. Là, Germaine de Staël demanda à la voir mais Joséphine refusa de la rencontrer :
« Dieu sait combien elle me ferait dire de choses auxquelles je n’ai jamais pensé. »
À la vérité, elle savait que la baronne la tenait pour une nullité ; Germaine de Staël avait, en effet, dit un jour à Napoléon : « Joséphine est une sotte qui n’est pas digne d’être votre femme. Il n’y a que moi qui vous conviendrais. » Puis elle alla à Chamonix, admira la mer de Glace, partit pour Berne…
Elle retrouvait sa folie d’acquisitions : au début de l’année et en dépit de ses larmes, elle avait enfin, pour 200 000 francs, acheté Grosbois, la propriétaire des lieux s’étant jetée dans un étang ; elle y installa des personnes de sa suite et une immense bibliothèque ; elle acheta ensuite Prégny-la-Tour, près du Petit-Saconey. Elle disposait d’une liste civile de trois millions de francs, somme qu’on ne tentera pas de convertir en nos modernes euros, étant donné les différences entre le pouvoir d’achat de l’époque et celui d’aujourd’hui, mais qui était considérable ; Napoléon avait, en effet, calculé qu’un million et demi suffirait à son train de maison et qu’elle pourrait se constituer un capital avec l’autre moitié. Aussi les querelles sur ses débordements reprirent, comme aux beaux temps du mariage. L’intendant Pierlot, chargé de mettre de l’ordre dans les finances de l’Impératrice, y perdit son latin, puis son poste. Il commit l’imprudence de vouloir supprimer le café des frais ordinaires ; c’était plutôt une sottise. Il céda son poste à Guyon de Montlivault.
Le trait retient l’attention : Joséphine partageait avec Napoléon une absence de la conscience des limites ; leur besoin d’acquisition, elle de biens marchands, lui de pouvoir, était quasiment sans bornes.
Ses larmes étant séchées, elle se trouva plus dispose aux plaisirs de la galanterie : le jeune chambellan entré à son service après le divorce, Lancelot Turpin de Crissé, vingt-sept ans, lui tenait compagnie pendant ses voyages avec Claire de Rémusat. La mémorialiste ne fut pas seule à remarquer l’empressement du jeune homme. Toutefois, l’on avait déjà noté la présence d’un autre admirateur de l’Impératrice, Bonnin de la Bonninière, dont l’histoire a retenu le nom de justesse. De toute façon, c’étaient les dernières semaines de service de Mme de Rémusat ; comme la maréchale Ney et d’autres dames, elle rejoignit la cour, où l’on s’amusait bien davantage.
Cependant, les voyages commençaient à lasser Joséphine ; elle aspirait à retrouver la Malmaison. Trop longtemps éloignée de Paris, elle se défendait mal de l’impression d’être écartée du monde. Pis : elle craignait d’être exilée. Napoléon lui avait, en effet, conseillé dans une de ses lettres de passer l’hiver à Milan. À Sécheron, près de Genève, elle pria Hortense d’intervenir auprès de l’Empereur, lui remettant une lettre pour lui.
Soudain la rumeur se répandit : la nouvelle Impératrice était grosse.
Le premier enfant de l’Empereur était en route.
Ce fut une commotion. Les ambassadeurs expédièrent des dépêches à leurs gouvernements.
Hortense regagna Fontainebleau sans tarder, car la cour y était. Le soir, Napoléon lui dit, indiquant Marie-Louise à ses
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