Joséphine, l'obsession de Napoléon
côtés :
— Voyez comme sa taille grossit. Si c’est une fille, ce sera une petite femme pour votre fils Napoléon, car elle ne doit sortir ni de la famille, ni de la France, celle-là.
Son titre était déjà prévu : elle serait princesse de Venise.
Mais l’Empereur semblait certain que ce serait un garçon, et son titre serait roi de Rome.
Le lendemain, Hortense lui remit la lettre de sa mère. Napoléon moyenna : il autorisait donc Joséphine à passer l’hiver à Navarre. Un courrier impérial porta la nouvelle à Sécheron : le message fut accueilli par une explosion de joie. La petite cour de Joséphine rentrerait en France ! Le retour se fit par la Franche-Comté. Après une halte de quelques jours à l’Élysée, puis une autre à la Malmaison, Joséphine gagna Navarre. L’hiver était précoce et les pièces d’eau avaient déjà gelé ; la petite cour fit alors du patinage sous une forme inédite : ces dames se faisaient tirer, assises sur des fauteuils. L’une d’elles, Mlle Avrillion, s’y cassa une jambe.
La situation en Espagne exigeait l’intervention de Napoléon. Il était trop absorbé par la naissance prochaine de son enfant. La cour était effervescente, les bals succédaient aux bals. Sa Majesté pria l’architecte Fontaine de dresser les plans d’un grand, d’un immense bâtiment qui s’appellerait palais du roi de Rome et serait érigé sur la colline de Chaillot. Car plus les jours passaient, plus Napoléon était sûr que ce serait un garçon.
Les affaires militaires viendraient plus tard. La plus grande affaire d’État, la naissance d’un successeur, prenait le pas sur toutes les autres.
Le 19 mars 1811, la cour siégeant aux Tuileries, Sa Majesté l’impératrice ressentit les premières douleurs. Sa chambre s’emplit rapidement d’une foule de gens, Madame Mère, la comtesse de Montesquiou, qui avait été nommée gouvernante de l’enfant à naître, Mme de Montebello, dame d’honneur, Mme de Luçay, dame d’atours, Mmes de Bouhers et de Mesgrigny, sous-gouvernantes, des médecins, les accoucheurs, sans compter l’Empereur lui-même. Hortense et Eugène, le grand-duc de Würzbourg, frère de l’empereur d’Autriche, Élisa, Pauline et Caroline, reine d’Espagne, attendaient dans le salon proche, d’autres personnalités de la cour et du gouvernement dans les salons voisins. Tout ce monde y passa la nuit, s’entretenant à mi-voix, tandis que perçaient les cris de l’accouchée. L’empereur, affecté par les souffrances de sa femme, apparaissait de temps à autre pour donner des nouvelles. L’accoucheur en chef vint annoncer que l’enfant se présentant par le siège, sa vie et celle de la mère étaient en danger.
— Sauvez la mère, ordonna l’Empereur, c’est son droit. Nous aurons d’autres enfants.
Au petit matin, les cris de Marie-Louise s’atténuèrent. Ces gens allèrent prendre du repos, supposant que la délivrance aurait lieu plus tard.
À 7 heures, Marie-Louise recommença à crier, plus fort que jamais. L’accoucheur s’affola. L’Empereur lui ordonna de faire comme il le ferait avec une femme du peuple. L’enfant fut extrait avec des fers.
Entretemps, une dame d’annonce hagarde monta prévenir Hortense que la situation était critique. L’impératrice allait-elle mourir en couches ? Quand Hortense arriva à la chambre impériale, elle trouva Napoléon sur le seuil, livide, haletant :
— C’est fini, lui annonça-t-il.
Le coeur de la jeune femme fit un bond.
— Elle est sauvée, marmonna-t-il.
— C’est un garçon ?
— Oui, souffla-t-il.
Elle l’embrassa. Il la repoussa :
— Je ne puis sentir ce bonheur-là, dit-il. La pauvre femme a tant souffert…
Il alla donner l’ordre de faire tirer les cent coups de canon annonçant la naissance du prince impérial.
Les entendant de leurs appartements, Caroline et Élisa piquèrent des crises de nerfs. C’en était fait de leurs espoirs de voir leurs enfants jamais monter sur le trône.
Pour les royalistes, les cent coups de canon furent aussi comme un glas.
« Ma chère Joséphine, j’ai un fils, écrivit le soir Napoléon. Je suis au comble du bonheur… »
La lettre fut portée par un page.
39
Les derniers mots
Elle donna un grand bal à Évreux, pour célébrer la naissance du prince héritier.
Elle exprima le souhait de le voir. À la condition que ce fût Marie-Louise qui le lui présentât, dit Napoléon. Cela ne se
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