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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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absorbé la sollicitude de sa mère à l’égard des Noirs.
    Broutille infime en regard des secousses qui agitaient déjà la France, et qu’on n’apprit aux Trois-Ilets qu’avec des semaines de retard : l’ouverture des États généraux, le serment du Jeu de paume, la prise de la Bastille, la Déclaration des droits de l’homme…
    Or l’une des retombées des idées libérales avait été, en 1789, la constitution à Paris d’une Société des amis des Noirs. Son président, l’illustre Condorcet, ses membres, le duc de La Rochefoucauld, l’abbé Grégoire, Brissot, La Fayette, et ses partisans, dont Mirabeau lui-même, prônaient l’abolition, non seulement du commerce des Noirs, mais aussi de l’esclavage. C’était un paradoxe du temps : les libres-penseurs se montraient plus chrétiens à cet égard que les dévots. Nombre de mulâtres s’étaient rendus de Saint-Domingue à Paris pour défendre la cause de leurs frères. La situation était déjà dangereuse : sur la grande île voisine de la Martinique, une trentaine de milliers d’Européens à peine faisaient les gardes-chiourme de près d’un demi-million de Noirs et mulâtres. Ceux-ci s’agitèrent. Le mouvement gagna la Martinique. Le 19 juin 1790, jour de la Fête-Dieu, des révoltes éclatèrent à Fort-Royal. Les planteurs s’indignèrent. Les gardes tuèrent une quinzaine de Noirs. La montagne se souleva. Les Tascher étaient aimés de leurs esclaves, mais rien n’assurait qu’ils le fussent des bandes qui se répandaient çà et là. Ils ne dormaient plus que d’un oeil, se félicitant de la générosité de la petite Hortense, qui leur avait valu la reconnaissance de leurs esclaves.
    L’agitation se poursuivit. Les Noirs s’emparèrent de mousquets et de pièces d’artillerie. À la fin septembre, la situation restait tendue, et Joséphine, inquiète, se réfugia avec Hortense sur la frégate La Sensible, qui mouillait dans le port de Fort-Royal. S’avisant à divers signes que celle-ci s’apprêtait à appareiller, les insurgés le lui interdirent. Cependant le capitaine n’entendait pas être leur otage et il donna l’ordre de lever l’ancre. Des boulets furent lancés. Mais le navire était déjà hors de portée.
    Le destin était intervenu une fois de plus dans la vie de Rose Tascher de La Pagerie.
    Le jour où elle et sa fille débarquaient à Toulon, le 6 novembre 1790, son père mourait à la Martinique.
    Elle ne l’apprit que plusieurs semaines plus tard, à Fontainebleau, après avoir entendu plus d’un incident touchant de près maintes personnes de son entourage, à commencer par son propre fils Eugène. Le 14 juillet de cette année 1790, alors qu’il se rendait à la fête de la Fédération, au Champ-de-Mars, en compagnie de son précepteur, en grand costume d’abbé, il vit la foule se saisir de ce dernier et l’atteler à une charrette sur laquelle prirent place quelques mégères. Celles-ci se mirent alors à fouetter l’abbé pour qu’il les traînât. Eugène n’avait que neuf ans, mais déjà du courage : il batailla avec son parapluie contre ces gens qui humiliaient ainsi son précepteur, au risque d’être écharpé par la foule. Son jeune âge attendrit cependant un homme d’autorité, qui arrêta la charrette et fit détacher le mal heureux abbé, sans se soucier des glapissements des furies anticléricales.
    Rose frémit de peur rétrospective. Mais plus d’une de ses connaissances avait eu maille à partir avec une populace agressive. Et nul n’avait oublié la façon atroce dont avait péri la princesse de Lamballe, égorgée sur une pierre avec un couteau de boucherie et dont on avait promené la tête au bout d’une pique.
    L’odeur du sang flottait dans Paris.
    La réaction de Rose fut paradoxale : sans doute lasse du calme crépusculaire de Fontainebleau, peut-être aussi de la surveillance tacite de sa tante et du marquis de Beauharnais, elle décida, fin 1791, de louer un appartement à Paris, rue Saint-Dominique, non loin de l’église Saint-Thomas-d’Aquin. Quelques chasses et quelques soupers d’amis ne suffisaient guère à entretenir le plaisir de vivre. La mort de M. Tascher de La Pagerie et, quelques mois plus tard, celle de Manette, soeur cadette de Rose, avaient assombri l’humeur de Mme Renaudin. Rose avait vingt-huit ans, la fleur de l’âge, c’était trop tôt pour se cloîtrer dans le deuil. Elle se lia avec une veuve de Sainte-Lucie, l’île

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