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Joséphine, l'obsession de Napoléon

Joséphine, l'obsession de Napoléon

Titel: Joséphine, l'obsession de Napoléon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Gérald Messadié
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études : les cinq premiers jours de la semaine, une leçon de français le matin donnée par un précepteur, une leçon de sciences l’après-midi, calcul, histoire et histoire naturelle. Le samedi, religion et morale le matin, dessin et musique l’après-midi.
    Rose, elle, avait achevé ses études après trois années de pensionnat chez les dames de la Providence, à Fort-Royal. Elle aidait sa mère à tenir la maison et se préparait à devenir une épouse digne du rang de sa famille.
    Son père, Joseph Tascher de La Pagerie, fils d’un noble installé dans l’île depuis 1726, avait été page chez la dauphine Marie-Josèphe de Saxe, la mère du futur Louis XVI, puis il avait gagné son brevet de sous-lieutenant et était revenu en Martinique en 1755. Il y avait épousé quelques années plus tard la fille d’une riche famille originaire de l’Ile-de-France, Rose Claire des Vergers de Sannois. Et il s’employa à faire valoir le domaine dont il était désormais le maître, des plantations de canne à sucre et de caféiers. Il avait, par ailleurs, des terres dans l’île voisine de Sainte-Lucie. Rien qu’aux Trois-Ilets, il possédait cent cinquante esclaves pour exploiter la canne à sucre ; commercer en colonies n’était pas  déchoir. Ses talents d’administrateur lui valurent rapidement un revenu annuel de 50 000 livres dans le commerce du sucre et du café, ainsi que de la vanille de Sainte-Lucie. De l’ouragan de 1766, qui avait ravagé l’île, ne subsistaient plus que les souvenirs : tout avait été rebâti.
    Le dimanche, après la messe, les grandes familles de l’île s’invitaient les unes les autres pour des fêtes, chacune déployant les signes de sa richesse et de sa distinction. Parfois, Rose s’échappait pour aller aux bamboulas des Noirs, où les rires lui paraissaient plus vrais. Et, à son instigation, les Tascher offraient même des festins.
    La studieuse Désirée était la favorite de sa mère, mais Yéyette celle de son père, capitaine de port dans la Marine royale. M. de La Pagerie ne savait rien refuser à sa cadette. Il ne dissimulait pas qu’il la considérait comme un heureux présage : elle était née, en effet, le jour même où la Martinique avait été rendue à la France, et par cette coïncidence, sa venue au monde avait été saluée par des salves d’artillerie ; elle correspondait à la prise de fonctions du chef de la famille ; elle symbolisait donc l’aube d’une nouvelle fortune.
    Les trois fillettes étaient ravissantes, chacune à sa façon. Marie-Françoise incarnait la grâce mutine, Désirée, la grâce pensive, et Rose, la grâce volontaire. Elle n’était que sourire, elle n’aimait rien tant que chanter et danser, à l’enchantement des domestiques noirs. Mais son apparente insouciance dissimulait mal une mystérieuse autorité…
    Que cela était loin !
    La songerie suscitée par le moka s’interrompit. Joséphine reprit conscience du présent.
    Impératrice hier, aujourd’hui répudiée, fût-ce en conservant le titre.
    Les souvenirs étaient plus lumineux que le décor.
    Qui donc donnerait à Napoléon les fils que réclamait la dynastie ? Le savait-il déjà ? Y avait-il une autre femme ? Qui serait l’impératrice suivante ?
    Le coeur est comme une fleur, il a plusieurs pétales.
    Le souvenir de son premier amour voleta devant la vitre voilée de pluie. William : svelte et blond, le teint duveté, une mèche dans l’oeil gris. Il était le fils des voisins, les Keith, installés dans l’île depuis vingt ans. Des Anglais exilés à cause d’une histoire dont Rose n’avait entendu que des bribes et à laquelle elle ne comprenait pas grand-chose : une guerre qui avait opposé les partisans d’une dynastie, les Stuart, à ceux d’une autre, les Hanovre. Qu’importait, d’ailleurs. Le coeur de Rose s’était pour la première fois ouvert à une émotion qu’elle ignorait. Quand elle voyait William, la lumière semblait plus chaude. Et sans doute en était-il de même pour lui, car, dès qu’il était en présence de Rose, le sourire semblait s’étendre sur sa personne entière.
    La première fois, il avait onze ans et elle, dix.
    Ils se voyaient souvent, car les Keith étaient convenus avec les Tascher que le même précepteur donnerait ses cours aux trois enfants ensemble ― Marie-Françoise était alors trop jeune. Bien qu’Écossais, les Keith parlaient, en effet, français comme tous les gens de

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