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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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neutre.
Les poules de Hollande à tête de corbillard.
Je suis toujours le premier homme lisant le premier poëte.
Le mépris de mon père pour les gens qui écrivent. Écrire, c'est bavarder, et il n'aimait que le bavardage politique.
    Il n'aurait eu de considération pour moi que si je lui avais dit : « J'ai dîné avec Deschanel. » Oh ! il n'aurait pas bondi d'orgueil, mais il aurait mis quelque chose de comique et d'étonné dans son « Ah ! »
Et je ne pouvais pas le lui dire tous les jours.
Et puis, de quoi me serais-je vanté ?
Ni Veuillot, ni Rousseau, ni Sand n'apprennent à écrire.
La sagesse des Nations, cette imbécile.
Mon style plein de tours de force dont personne ne s'aperçoit.
Pas de phrases, même sur la nature !
J'aime la solitude, même quand je suis seul.
Le chant lointain d'une grenouille qui est à mes pieds, dans l'herbe.
Philippe ignore le sommeil du matin qui repose et détend les nerfs.
Un ciel pur où se verrait la fumée d'une cigarette.
L'espérance, c'est sortir par un beau soleil et rentrer sous la pluie.
23 juillet.
L'homme est un animal qui a la faculté de penser quelquefois à la mort.
L'emportement de la satire est inutile : il suffit de montrer les choses telles qu'elles sont. Elles sont assez ridicules par elles-mêmes.
Notre égoïsme va si loin que nous croyons, en temps d'orage, qu'il ne tonne que pour nous.
    - Doux, dit-il, comme une barbe d'enfant.
Le difficile, ce n'est pas tant d'être bon que de ne pas avoir honte de sa bonté, c'est de ne pas se dire : « Comment, moi qui lis couramment Pascal, puis-je être bon époux et bon papa, et me promener le dimanche avec ma légitime et ses gosses ? » Le difficile, c'est de ne pas se dire : « Oh ! si l'on me voyait ! »
On doit voir monter sur ma tête la fumée de mes idées de famille, comme celle d'un pot-au-feu.
Par sa fenêtre, ma mère voit arriver Marinette. Elle va s'asseoir au milieu de la cuisine et se met à pleurer afin que Marinette la trouve en larmes.
- Mon Dieu ! Qu'est-ce que vous avez maman ?
- J'ai des idées.
Pas moyen de savoir. On devine que ce sont des idées de suicide. Sûrement, elle a quelque chose. Furieuse de n'avoir pas été invitée à ma conférence sur Michelet, elle disait à Marie Pierry : « Vous allez vous compromettre dans cette société ! Vous savez que les prêtres n'aiment pas ce genre-là ? » Elle dit à Marinette :
- Il paraît que c'était si beau !
Par Philippe, elle apprend que j'ai mangé deux ou trois griottes.
- Oh ! ça ne m'étonne pas ! Il les aimait tant lorsqu'il était petit !
    Il s'en barbouillait. Tenez ! Portez-lui en un plein panier. Ce pauvre Jules, comme il va être content !
Mon village est le centre du monde, car le centre du monde est partout.
Je suis passionné pour la vérité, et pour les mensonges qu'elle autorise.
Tout le jour, le bois retient un peu de nuit avec ses branches.
Je me moque de l'intelligence : je me contenterais d'avoir beaucoup d'instinct.
Restif a écrit Sara ou l'Amour à quarante-cinq ans : il n'a pas osé dépasser cet âge.
C'est une fausseté que de dire qu'on aime toujours son père : il a ses moments, comme tous nos amis.
La mort est douce : elle nous délivre de la pensée de la mort.
La gaucherie élancée des dindes.
Les arbres, ce soir d'orage, sont nerveux.
29 juillet.
Moi qui ne recherche que le rare et qui, pour y atteindre, renonce aux gros tirages et à la grosse presse, je lis, ce matin, dans la dernière des petites revues, qu'un anonyme trouve que j'excelle dans ce que je fais, mais que je fais toujours la même chose.
Et me voilà déconfit pour longtemps.
1er août.
Un épi :
- Regarde comme je dresse fièrement la tête !
    - Ce n'est pas étonnant ! dit l'autre épi. Tu as perdu tes grains et tu as la tête vide.
La vieille vieillit, mais la vache reste jeune : il est vrai que ce n'est pas la même.
N'ayant plus d'avenir, mon père n'était pas curieux de deviner ce que serait le mien.
La nature a d'humiliantes façons de se défier de nous. Comme je reste immobile près d'un arbre, un oiseau vient se poser sur une branche, sous mon nez. J'en suis fier. Il me regarde. Tout à coup, il s'aperçoit que c'est un homme : il file bien !
En plein midi, un bois sombre m'impressionne : les geais s'y disputent comme des voleurs.
On se tait pour de grandes raisons : on n'agit que pour de petites.
Tant qu'un homme ne s'est pas expliqué le secret de l'univers, il n'a pas le droit d'être satisfait.
Les mendiants, on ne leur

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