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Journal de Jules Renard de 1893-1898

Journal de Jules Renard de 1893-1898

Titel: Journal de Jules Renard de 1893-1898 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jules Renard
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relief, essentiel, qui réveillerait un mort.
Avec son mouchoir sur les yeux, Baïe fait le rideau qui baisse.
2 juin.
J'ai une grande affection pour Capus. C'est l'écrivain de notre époque qui lui trouve le plus de ridicules. D'ailleurs, il s'accommode de cette société. Il blague nos hommes d'État, et il ferait un poker avec le premier président de la République venu.
Le 4e acte de Rosine est plus qu'un chef-d'oeuvre : c'est une révolution morale.
    Il y a un papa qui donne son fils à une maîtresse, avec la même autorité et la même émotion qu'il lui ferait faire un grand mariage.
4 juin.
Chez Capus, à Blois. A chaque croisement de route, il lâche les guides de sa petite jument blanche, Bichette. Elle prend la route de l'écurie. Brusquement, il lui donne une première désillusion.
- Je n'aime pas les paysages qui me dominent, dit-il.
Il a gagné près de 100.000 francs cette année, et ne sait ce qu'ils sont devenus. Il a besoin d'avoir autour de lui des gens dont la vie dépend de la sienne.
- Dans une pièce de théâtre, dit-il, rien de plus inutile qu'une phrase bien faite.
Il n'admire Victor Hugo que comme un professionnel qui n'a jamais hésité devant le mot à trouver.
L'Herbe. - Je voudrais leur être utile, et ce n'est pas commode du tout. Si je leur donne 50 centimes, ils croient que c'est parce que je vais me présenter à la députation. En politique, ils ont plus d'idées que moi : Brisson et Deschanel me sont plus étrangers que des professeurs d'algèbre.
Leur religion, leur politique, le curé, la châtelaine, leur maire (mon père), puis le pauvre homme qui le remplace.
Ce sont mes frères. Ils disent toujours : « Il faut être bien courageux pour en faire autant. » Mais ce n'est pas ce que je voudrais arriver à leur faire dire.
    Une espèce de saint ridicule et impuissant.
Ce livre amusera et attendrira.
Le cimetière où, tant de fois, le village tout entier est venu se reposer.
J'ai écrit ce livre en regardant par ma fenêtre l'herbe du château : elle a rafraîchi mes yeux fatigués. Je lui dois mes bonnes rêveries. Elle est la richesse du pays. Elle engraisse les boeufs qui nourrissent les hommes.
Leurs deux ennemis : le médecin et le pharmacien. Si, la politique sert à quelque chose : le médecin oublie des notes et le pharmacien compte moins cher ses pots.
Ils ont un député. Leur horreur de la guerre.
Ce livre me délivrera de ce pays amollissant.
L'eau claire d'une source que traversent des bêtes.
Chasse, pêche. Usages ruraux. Faire de mon père le principal personnage de ce livre. Le drame de la fin entre ma mère, mon père qui se tue, et l'étrangère.
8 juin
Des jours où l'on conduirait avec plaisir tous ses amis
Entré au Jardin des Plantes. Pour avoir une idée de l'ennui, il faut regarder les fauves dans leurs cages.
La première qui fait mal aux yeux en passant et repassant derrière ses barreaux, le lion d'Abyssinie offert par M. Grévy, et qui lui ressemble, le petit ours noir des cocotiers qui a sous le menton un collier de poils jaunes, comme un général, l'aigle moins impressionnant que les condors et les vautours.
    Et les pauvres diables qui mangent là des immondices dans un papier semblent se dire : « Ah ! si nous étions en cage ! »
On me sert le premier à table, comme si je n'y avais pas droit.
12 juin.
A la Gloriette. J'écoute le crapaud. Régulièrement s'échappe de lui une goutte sonore, une note triste. Elle ne semble pas venir de terre : on dirait plutôt la plainte d'un oiseau perché sur un arbre. C'est le gémissement obstiné de toute la campagne ruisselante de pluie. Un aboiement de chien, un bruit de porte le font taire Puis il reprend : « Ou ! Ou ! Ou ! » Mais ce n'est pas cela. Il y a une consonne ayant cette syllabe, je ne sais quelle consonne de gorge, une h un peu aspirée, un peu le bruit de la bulle qui vient crever à la surface d'une mare.
C'est autre chose encore. C'est le soupir d'une petite âme. C'est infiniment doux.
Et, comme jamais personne ne lui répond, aucune âme soeur, il finit par se taire tout à fait.
18 juin.
Je ne serais pas très flatté si plus tard, quelque imbécile disait « Pour moi qui l'ai connu, il était bien supérieur à son oeuvre. »
    Le secret d'écrire aujourd'hui, c'est de se méfier des mots dont le sens est usé et d'une syntaxe qu'on a mal apprise.
22 juin.
Michelet veut trop poétiser la nature. Elle n'a pas besoin de ça. Elle se moque d'être surfaite, et elle lui échappe,

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