Kenilworth
dit. – ROI était le mot. – Mais comment ? La couronne d’Élisabeth ? Tout mon espoir s’est évanoui de ce côté. Eh bien ! j’y renonce : les riches provinces des Pays-Bas me demandent pour leur chef ; et, si Élisabeth y consentait, elles m’offriraient leur couronne. Et n’ai-je pas des droits au diadème,… même dans ce royaume, si Élisabeth n’était plus ? Je suis de la famille d’Huntingdon, à qui la maison d’York a transmis ses prétentions par George de Clarence… Mais je ne veux pas pénétrer plus avant ces mystères importans ; il faut que pendant quelque temps encore je continue ma carrière dans le silence et l’obscurité comme un fleuve souterrain ; le temps viendra que je m’élancerai dans toute ma force, et que j’entraînerai tout ce qui s’opposera à mon passage.
Pendant que Leicester cherchait à donner le change à sa conscience en s’excusant par une prétendue nécessité politique, et qu’il s’égarait dans les rêves extravagans de l’ambition, son agent se rendait en toute hâte à sa destination. Varney avait aussi de hautes espérances ; il avait amené Leicester au point où il voulait ; le comte lui découvrait les secrets les plus cachés de son cœur, et se servait de lui pour ses relations les plus confidentielles avec son épouse ; il voyait que dorénavant son protecteur ne pourrait plus se passer de ses services ni refuser ses demandes, quelques déraisonnables qu’elles pussent être ; et, si cette dédaigneuse dame, comme il appelait la comtesse, accédait à la demande de Leicester, Varney, son prétendu mari, se trouverait si étrangement placé à son égard qu’il ne voyait point de bornes à son audace ;… peut-être même espérait-il obtenir un triomphe auquel il songeait avec un mélange de sentimens diaboliques, parmi lesquels la vengeance des anciens mépris qu’il avait essuyés tenait le premier rang. Il supposait aussi la possibilité de la trouver tout-à-fait intraitable, et de ne pouvoir la déterminer à remplir le rôle qui lui était assigné dans le drame de Kenilworth.
– En ce cas, Alasco jouera son rôle, pensa-t-il ; la maladie sera l’excuse de mistress Varney auprès de Sa Majesté, si elle ne peut aller lui offrir ses hommages. Oui, et ce sera probablement une longue et dangereuse maladie, si la reine continue à regarder lord Leicester d’un œil aussi favorable. Je ne renoncerai pas aisément à devenir le favori d’un monarque. En avant, mon bon cheval : l’ambition, l’espoir du plaisir et de la vengeance percent mon cœur de leurs aiguillons comme j’enfonce mes éperons dans tes flancs poudreux ; avançons, mon bon cheval, avançons, le diable nous pousse tous deux.
CHAPITRE XXII.
« Si tu dédaignes les appas
« De celle qui te fut si chère,
« Cruel, il ne fallait donc pas
« M’enlever à mon pauvre père.
« Tous mes regrets sont superflus :
« Jamais une si longue absence
« Ne me priva de ta présence ;
« Je le vois, tu ne m’aimes plus. »
W. JULIUS MICKLE, le Château de Cumnor.
Les dames à la mode de nos jours doivent convenir que la jeune et charmante comtesse de Leicester avait, outre sa jeunesse et sa beauté, deux qualités qui lui méritaient à juste titre une place parmi les femmes de distinction. Nous l’avons vue déployer, dans son entrevue avec le colporteur, un grand empressement à faire des emplettes inutiles, seulement pour le plaisir de se procurer ces brillans colifichets qui cessent de plaire aussitôt qu’on les possède. Elle avait de plus un véritable penchant à passer chaque jour un temps considérable à s’en parer, quoique la riche variété de ses atours ne pût lui attirer que les louanges à moitié satiriques de la scrupuleuse Jeannette, ou un regard approbateur de ces yeux brillans qui voyaient leur propre éclat réfléchi dans le miroir. La comtesse Amy pouvait, à la vérité, donner une excuse pour la frivolité de ses goûts ; l’éducation qu’on recevait dans ce temps-là n’avait pu faire que peu de chose pour un esprit naturellement léger et ennemi de l’étude. Si elle n’eût pas aimé la parure, elle aurait pu faire de la tapisserie ou des broderies, et décorer de ses propres ouvrages les murs, les meubles du château de Lidcote, ou se distraire de ces travaux par les soins de préparer un énorme pouding pour l’instant où sir Hugh Robsart revenait de la chasse ; mais Amy n’avait
Weitere Kostenlose Bücher