Kenilworth
quelque plan pour ses démarches futures, sachant bien que sa position exigeait une conduite circonspecte, quoiqu’il n’en connût qu’imparfaitement toutes les particularités. Cependant il conclut de ce silence qu’elle devait avoir dans le château des amis à la protection desquels elle pourrait se fier, et que sa tâche serait entièrement remplie en l’y conduisant, conformément à ses ordres réitérés.
CHAPITRE XXV.
« Entendez-vous le son de la cloche et du cor ?
« La plus belle pourtant n’y répond pas encor.
« Les conviés sont prêts, on va se mettre à table ;
« Mais un nuage obscur cache la plus aimable.
« Cet éclat mensonger, prince trop orgueilleux,
« Devait-il donc ainsi te fasciner les yeux ?
« Ton cœur ne sait-il plus quelle grande distance
« Sépare la vertu de l’altière insolence ?
« Et peux-tu préférer à l’astre étincelant
« L’éclat momentané dont brille un ver luisant ? »
La Pantoufle de verre.
La malheureuse comtesse de Leicester avait été, depuis son enfance, traitée par ceux qui l’entouraient avec une indulgence aussi illimitée que peu judicieuse. La douceur naturelle de son caractère l’avait préservée de l’orgueil et de l’aigreur. Mais le caprice qui avait préféré le beau et séduisant Leicester à Tressilian, dont elle appréciait si bien elle-même l’honneur et l’inaltérable affection ; ce fatal caprice qui détruisit le bonheur de sa vie, venait de la tendresse malentendue qui avait épargné à son enfance la leçon pénible, mais indispensable, de la soumission et de la contrainte. La même faiblesse l’avait habituée à n’avoir que des désirs à former et à exciter, en laissant aux autres le soin de les satisfaire ; voilà comment, à l’époque la plus critique de sa vie, elle se trouva entièrement dépourvue de présence d’esprit et incapable de se tracer un plan de conduite prudent et raisonnable.
Les difficultés se multiplièrent pour la malheureuse Amy quand elle vit arriver le jour qui allait décider de sa destinée. Sans avoir égard à aucune considération intermédiaire, elle avait seulement souhaité de se trouver à Kenilworth en présence de son époux ; et maintenant qu’elle en était si près, le doute et l’inquiétude vinrent effrayer son esprit par la crainte de mille dangers, les uns réels, les autres imaginaires, mais tous aggravés et exagérés par sa position et l’absence de tout conseil.
Une nuit d’insomnie l’avait tellement affaiblie qu’elle se trouva incapable de répondre à Wayland, qui vint l’appeler de bon matin. Le fidèle guide commença à concevoir de vives inquiétudes pour la dame qu’il était chargé de conduire, et à s’alarmer pour lui-même. Il était sur le point de partir seul pour Kenilworth dans l’espoir d’y découvrir Tressilian, et de lui annoncer l’approche d’Amy, lorsque vers les neuf heures du matin elle le fit demander.
Il la trouva prête à poursuivre, son voyage ; mais sa pâleur lui donna des craintes sur sa santé. Elle lui dit de préparer les chevaux sur-le-champ, et résista avec impatience aux instances que fit son guide pour l’engager à prendre quelque nourriture avant de se remettre en route. – On m’a donné, lui dit-elle, un verre d’eau. Le misérable qu’on traîne au supplice n’a pas besoin d’autre cordial, et je dois m’en contenter comme lui. Faites ce que je vous ordonne.
Wayland hésitait encore. – Que voulez-vous de plus ? lui demanda-t-elle ; n’ai-je pas parlé clairement ?
– Pardonnez-moi, répondit Wayland ; mais permettez-moi de vous demander quels sont vos projets. Je ne vous fais cette question qu’afin de me conformer à vos désirs. Tout le pays court à Kenilworth ; il serait difficile d’y entrer quand même nous aurions les passe-ports nécessaires pour y être admis. Inconnus et sans amis, il peut nous arriver quelque malheur. Votre Seigneurie me pardonnera de lui offrir mon humble avis ; ne ferions-nous pas mieux de chercher à retrouver nos comédiens et de nous joindre à eux de nouveau ? La comtesse secoua la tête. Allons, continua le guide, je ne vois qu’un seul remède.
– Déclare ta pensée, dit-elle, charmée peut-être qu’il lui offrît des avis qu’elle aurait eu honte de lui demander. Je te crois fidèle ; que me conseillerais-tu ?
– De me permettre d’avertir M. Tressilian que vous êtes ici. Je suis
Weitere Kostenlose Bücher