Kenilworth
arrogance : – Tiens ! quelle est donc cette échappée de Bedlam, qui demande à voir mon maître dans un jour comme celui-ci ?
– Épargnez-moi vos impertinences, répondit la comtesse ; les affaires que j’ai avec le comte sont de la plus haute importance.
– Adressez-vous à quelque autre que moi pour faire vos commissions. Vos affaires fussent-elles dix fois plus importantes, je ne m’en chargerais pas. Moi, j’irais déranger mon maître, qui est avec la reine, et cela pour votre bon plaisir ! oui vraiment ! je pourrais m’attendre à recevoir pour récompense quelques bons coups d’étrivières. Il est bien étonnant que notre vieux portier laisse entrer de semblables personnes, au lieu de prendre leur mesure avec sa massue : mais le pauvre homme n’a plus sa tête depuis qu’il est forcé d’apprendre une harangue par cœur.
Le ton railleur avec lequel s’exprimait ce valet en fit approcher deux ou trois autres ; alors Wayland, alarmé pour lui-même et pour la comtesse, s’adressa à celui d’entre eux qui lui parut être le plus civil, et lui glissant une pièce de monnaie dans la main, entra un moment en conférence avec lui, et le pria de chercher un gîte pour la dame qu’il conduisait. Celui à qui cette prière s’adressait, et qui semblait avoir quelque autorité dans le château, gronda l’insolent valet de son impolitesse, lui ordonna de prendre soin des chevaux de ces étrangers, et les pria de le suivre.
Amy avait conservé assez de présence d’esprit pour sentir qu’il fallait renoncer à voir Leicester dans l’instant même, et méprisant les insultes de ces impertinens laquais et les basses plaisanteries qu’ils faisaient sur les jolies coureuses d’aventures, elle suivit en silence son nouveau guide avec Wayland.
Ils entrèrent dans la cour intérieure par une grande porte placée entre la principale tour ou donjon, appelée la tour de César, et un grand corps de bâtiment connu sous le nom de logement du roi Henry. Ils se trouvèrent alors au centre de ce vaste édifice dont les différentes façades présentaient de superbes modèles de tous les genres d’architecture, depuis la Conquête jusqu’au règne d’Élisabeth.
Ils traversèrent cette cour. Leur guide les conduisit dans une petite tour située au nord-est du château, près de la grand’salle, et qui la séparait du large bâtiment destiné aux différentes cuisines. Le bas de cette tour était occupé par des officiers de la maison de Leicester, que les devoirs de leur charge appelaient dans cette partie du château. À l’étage supérieur, auquel on montait par un petit escalier en spirale, se trouvait une chambre qui, dans le besoin de logement où l’on était, avait été destinée à recevoir quelque étranger. Cette chambre était restée long-temps abandonnée, et le bruit courait qu’un prisonnier qu’on y avait enfermé y avait été jadis assassiné. Ce prisonnier, nommé Mervyn, avait laissé son nom à la tour. Il est en effet probable que ce lieu servait autrefois de prison. Chaque étage était voûté, les murs avaient une épaisseur prodigieuse, et l’étendue de la chambre n’excédait pas quinze pieds carrés.
La fenêtre qui l’éclairait était fort étroite ; mais elle s’ouvrait sur ce qu’on appelait la Plaisance, nom par lequel on désignait un enclos décoré d’arcs de triomphe, de trophées, de fontaines, de statues et d’autres ornemens d’architecture, et qui servait de passage pour aller au jardin du château.
Il y avait dans la chambre où la comtesse fut introduite un lit et d’autres meubles évidemment préparés pour la réception de l’hôte qui devait y loger ; mais elle y fit peu d’attention : ses regards se tournèrent uniquement sur les objets nécessaires pour écrire qu’elle aperçut sur une table, chose rare dans une chambre à coucher de ce temps-là. Il lui vint aussitôt dans l’esprit d’écrire au comte de Leicester, et de rester renfermée jusqu’à ce qu’elle eût reçu sa réponse.
L’officier qui leur avait servi de guide demanda poliment à Wayland, dont il avait éprouvé la générosité, s’il y avait encore quelque chose à faire pour son service. Wayland lui ayant fait entendre que quelques rafraîchissemens ne lui seraient pas désagréables, il conduisit notre maréchal à l’office, où l’on distribuait avec profusion des comestibles de toute espèce à tous ceux qui en demandaient. Wayland
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