Kenilworth
résidence de la belle Rosemonde, il était le théâtre des amours secrètes et illicites de Henri II, et bien plus différent encore de ce qu’il est aujourd’hui que Blenheim-House retrace les victoires de Marlborough, et atteste le génie de Vanburgh, quoique décrié de son temps par des hommes d’un goût fort inférieur au sien. C’était, sous le règne d’Élisabeth, un vieux palais tombant en ruines, qui, depuis bien long-temps, n’avait pas été honoré de la présence du souverain, ce qui avait considérablement appauvri le village voisin. Cependant les habitans avaient présenté plusieurs pétitions à la reine pour la supplier de jeter parfois sur eux un regard de protection et de bonté, et tel était le motif ostensible qui avait conduit le comte à Woodstock.
Varney et Lambourne entrèrent sans cérémonie dans la cour du vieux château, qui offrait ce matin un air animé qu’on n’y avait pas vu depuis deux règnes. Les officiers de la maison du comte, ses domestiques en livrée, ses gardes, allaient et venaient avec tout le bruit ordinaire à leur profession. On entendait les hennissemens des chevaux et les aboiemens des chiens ; car le comte, chargé d’examiner l’état actuel de ce domaine, s’était fait suivre de tout ce qui lui était nécessaire pour goûter le plaisir de la chasse dans le parc, qu’on disait être le premier qui eût été entouré de murs en Angleterre, et dans lequel il se trouvait un grand nombre de daims, qui, depuis long-temps, y vivaient sans être troublés. Un grand nombre d’habitans, espérant que cette visite extraordinaire produirait un résultat favorable à leurs désirs, s’étaient rassemblés dans la cour, et attendaient que le grand homme fût visible. L’arrivée de Varney excita leur attention ; le bruit se répandit bientôt parmi eux que c’était le premier écuyer du comte, et ils cherchèrent à mériter ses bonnes grâces en se découvrant la tête, et en s’approchant avec empressement pour tenir la bride et l’étrier de son cheval et de celui de son compagnon.
– Éloignez-vous un peu, mes maîtres, leur dit Varney avec hauteur, et n’empêchez pas les domestiques de faire leur devoir.
Les villageois mortifiés se retirèrent, tandis que Lambourne, voulant copier les airs du premier écuyer, repoussait encore plus durement ceux qui l’entouraient. – Bas les mains, paysans ! Au diable ! croyez-vous que nous manquions de domestiques pour nous servir ?
Ils donnèrent leurs chevaux à des gens en livrée, et entrèrent dans le château avec un air de supériorité que sa naissance et une longue habitude rendaient naturel à Varney, et que Lambourne tâchait d’imiter aussi bien qu’il lui était possible, tandis que les pauvres habitans de Woodstock se disaient bas les uns aux autres : – Que Dieu nous délivre de ces impudens ! Si le maître ressemble aux valets, que le diable les emporte tous ; il ne prendra que ce qui lui appartient.
– Silence, voisins ! dit le bailli, et mordez-vous la langue pour qu’elle ne dise pas de sottises. Avec le temps nous saurons tout. Personne ne sera jamais reçu à Woodstock avec autant de plaisir que l’était le fier roi Henry. Si par hasard il donnait à un paysan une volée de coups de houssine, il lui jetait ensuite à la tête une poignée de pièces d’argent à son effigie, et c’était le moyen de faire tout oublier.
– Puisse son âme être en paix ! dirent les paysans. Il se passera du temps avant que la reine Élisabeth nous distribue des coups de houssine.
– C’est ce qu’on ne peut savoir, répondit le bailli : patience, mes bons voisins ; et consolons-nous en songeant que nous méritons de recevoir de semblables faveurs de Sa Majesté.
Cependant Varney, suivi de son nouveau serviteur, entra dans l’antichambre, où des gens plus importans que ceux qui remplissaient la cour attendaient l’instant où se montrerait le comte. Tous firent la cour à Varney avec plus ou moins de déférence, suivant leur rang ou l’affaire qui les amenait au lever de son maître. À la question générale : – Quand milord paraîtra-t-il, M. Varney ? il répondit en peu de mots : – Ne voyez-vous pas mes bottes ? J’arrive d’Oxford ; je n’en sais rien. La même demande lui ayant été faite par un homme d’un rang plus élevé : – Je vais m’en informer du chambellan, sir Thomas Copely, répondit-il. Le chambellan, distingué par sa clef
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