Kommandos de femmes
frappent dur lorsqu’elles sentent la moindre résistance. Les coups de poing volent, les coups de pied sont distribués avec précision pendant que d’autres s’arrachent mutuellement les cheveux tout en défendant leurs précieuses affaires.
Mais la situation devient critique car une des femmes-pirates tient un vrai couteau à la main. Zut alors, va-t-elle en égorger une ? Non, c’est tout simplement pour couper les ficelles qui retiennent les sacs.
Sur le coup, j’avoue que j’ai eu très peur ; et d’où il sort ce couteau avec une vraie lame ?
Misère ! dans quelle galère sommes-nous embarquées ? D’un côté les S.S. qui nous veulent du mal, de l’autre, ces harpies qui ne nous veulent pas de bien.
Sous la blanche clarté lunaire, cette scène de piraterie est hallucinante ; vraiment, il est dit que j’aurai tout vu, tout entendu, tout subi, rien ne m’aura été épargné pour parfaire mon éducation de prisonnière. Ah ! si j’en sors, que je vive vieille, très vieille, j’en aurai des histoires à raconter à mes enfants.
C’est beau les illusions !
Après tout, pourquoi pas ? Je deviendrai peut-être une centenaire avec la tête remplie de contes noirs qui plairont davantage que les bleus à mes petits-enfants de l’an deux mille ?
Pas à dire, j’suis dingue de penser soudain à l’an deux mille en pleine bagarre.
Soudain, j’entends une femme qui crie « au secours ! ». De mon côté, je suis aux prises avec une Polonaise genre « armoire normande » et que mes orteils évaluent au double de mon poids. Fichtre ! je ne pèse pas lourd entre ses bras. Soudain, je reçois une beigne formidable et je sens mon œil droit qui enfle, puis une semelle de galoche s’imprime lourdement dans le bas de mes reins. En retour, je lui expédie aussi un coup de pied bien appliqué dans les tibias qui lui fait voir que je ne me laisse pas aplatir sans rien dire.
Le cri strident tourne maintenant au râle. C’est une malheureuse grand-mère qui a eu la lumineuse idée de passer la ficelle de son sac autour de son cou et le truand en jupon est gentiment en train de l’étrangler. C’est une épreuve de force car personne ne veut céder, pourvu que ce soit la ficelle !
Nous parvenons enfin à la dégager en tombant à bras raccourcis sur notre voleuse et comme l’union fait la force, adage bien connu, nous nous mettons à six pour la ceinturer. Comme je le prévoyais, tout ce boucan réveille chiens et gardiens qui arrivent ventre à terre, revolver au poing comme dans les meilleurs films policiers.
Ils s’agitent pareils à des pantins et hurlent comme des forcenés. Dans le désarroi général, la bande a presque réussi à se volatiliser par les fenêtres sans carreaux. Toutes, sauf une que nous maintenons à quatre, car vu nos forces, nous ne sommes pas de trop.
Fières d’avoir réussi à faire une otage, nous comptons bien nous en servir et pour parer à toute éventualité, sachant que la meilleure défense c’est l’attaque, nous poussons fermement vers l’Allemand notre belle de nuit qui gigote comme un ver. Au moment où elle ouvre la bouche pour plaider sa cause, une main anonyme me glisse une épingle et, instinctivement, sans malice, je l’enfonce dans la partie la plus charnue de son individu. Résultat : notre prisonnière ne parle pas, elle braille un bon coup. Il ne fallait surtout pas lui laisser le temps de placer un mot car, parlant certainement l’allemand couramment, elle aurait eu tôt fait de renverser les rôles. Nous on parle bien allemand, mais le temps de chercher la tournure correcte de la phrase, c’était foutu.
Un sourire rentré est sur toutes les faces, on se comprend si bien ! Le S.S., lui, ne sourit pas, mais pas du tout, d’un air plutôt mauvais, il lui clôt le bec :
— Halt maul, schweinrei (Ta gueule, cochonnerie, saleté !).
Il nous dit encore, entre autres choses, qu’il veut le silence immédiatement ou qu’il lâchera les chiens et que, si ça ne suffit pas, il tirera dans le tas (sic). Voilà le programme des réjouissances futures !
Tant bien que mal, avec de grands gestes, et des airs (ils aiment ça), on lui explique le topo : qu’elle fait partie d’une bande qui nous a attaquées cette nuit et mine de rien, mon épingle aidant, on la pousse gentiment devant nous. C’est elle maintenant qui est aux premières loges, face à face avec le petit œil noir du revolver. C’est un véritable plaisir
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