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Kommandos de femmes

Kommandos de femmes

Titel: Kommandos de femmes Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Christian Bernadac
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tiède où surnagent deux ou trois choses qui doivent être les légumes avant leur déshydratation, ma vieille boîte de conserve qui me sert de gamelle, serrée comme un trésor, nous regagnons la baraque pour aller dormir.
    C’est un véritable antre cosmopolite, on ne s’entend plus, chacune dispute, dans sa langue, le coin qu’elle a choisi, des horions sont échangés de part et d’autre car ici, comme partout ailleurs, la loi du plus fort est toujours la meilleure et, quelquefois, point n’est besoin d’être taillée en « hercule » pour vaincre, il suffit de gueuler plus fort que les autres pour obtenir satisfaction, ça m’est arrivé aussi, c’est vrai, mais je pense que ce n’est qu’une carapace, un vernis pour masquer la crainte que l’on a de recevoir des coups.
    Oui, je sais, c’est dégradant pour une femme, mais là où nous sommes, au milieu de cette promiscuité, à vivre à l’état de bêtes, nous y sommes obligées, nous devons faire abstraction de notre dignité, de notre pudeur et de notre sentimentalité ; c’est la perte totale du Moi. Plus rien que dureté, cynisme et insensibilité.
    Que vais-je devenir ? Resterai-je ainsi, marquée de cette empreinte profonde qui m’a détruite ? Où sont donc les belles manières que m’ont apprises mes parents ? Où donc est passé le respect d’autrui, et de soi-même ? Et la bonté ? L’indulgence envers les personnes âgées ? Base primordiale de toute vie sociale ?
    Maintenant, aujourd’hui, à chaque minute de notre pauvre existence, rien de tout cela n’existe plus, ou alors c’est drôlement enfoui au tréfonds de nous-même. Ici, c’est « ôte-toi de là que je m’y mette ».
    Nous nous enlisons à grandes foulées au rang de bêtes et encore, elles ont l’excuse de leur instinct, de leur faim à assouvir. Mais, et nous alors ? La seule différence c’est que nous pensons. Oh ! si peu quelquefois ! Pas une de nous n’échappe à cette déchéance lente, mais inexorable. Celle qui me dirait le contraire ne serait qu’une hypocrite.
    Voilà encore cette petite garce de voix qui ramène sa fraise.
    — Pas mal, ma fille le coup de la carapace, du vernis, non mais, tu crois que je suis dupe ? Contrairement à ce que tu penses, c’est ta vraie nature qui sort et qui était bien cachée sous le vernis de la civilisation, là, maintenant, tu es à l’état pur !
    — Mais tu es cinglée de dire des choses pareilles !
    — Pas du tout, d’ailleurs ce n’est pas spécial à toi, toutes en sont là, toutes ces filles ont été polies, frottées au contact de la bourgeoisie, des règles définies de la bienséance. Vous voilà toutes à présent au stade du primitif, regarde-les vivre, les autres, regarde-les évoluer et tu te reconnaîtras comme si tu étais devant un miroir qui sonde les profondeurs du cerveau.
    — Oh ! dis, la barbe, tu me fatigues, si tu crois que j’ai envie de philosopher plus longtemps, c’est que tu te crois bien indispensable.
    — Je te suis indispensable !
    — Fous-moi la paix, je ne discute plus avec toi !
    Peu à peu la chambrée s’organise, les unes cherchent une place, les autres défendent leurs affaires et ce n’est pas sans mal que nous arrivons enfin à nous caser ; nous sommes si fatiguées que l’on s’écroule plutôt que l’on se couche.
    Me suis-je rendue compte que cette baraque était vide de lits ? Étendues, serrées, tête-bêche les unes contre les autres, à même le sol, sans couverture, le sommeil nous prend brutalement, je plonge dans le néant avec délice car, pour quelques heures, je serai comme morte, sans pensées.
    Tout à coup, au milieu de la nuit, un fait étrange se produit.
    Bien que très épuisée par cette longue route, mon sommeil n’est pas profond, je suis recroquevillée sur moi-même tellement j’ai froid. De temps à autre j’ouvre un œil et je vois la lune, pleine et toute ronde à travers la vitre brisée. Elle brille et éclaire comme en plein jour. Mon cœur est triste et mes pensées s’envolent vers ma maison, vers les miens. Quelque part, des chiens hurlent à la mort et j’entends le pas botté d’un soldat S.S. qui fait sa ronde. Le froid me pince cruellement, je suis tout engourdie et glacée, Nos copains, les rats, se faufilent entre nous ; sans gêne ni peur ils nous frôlent le visage de leurs moustaches, et cherchent une maigre pitance qu’ils ne trouveront certainement pas près de moi, car

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