La 25ème Heure
transportent sûrement dans une prison russe.
Ils étaient sortis de la ville. Nora regarda les champs verts. Puis elle regarda le soleil. Elle voyait bien qu’ils se dirigeaient vers l’Est.
– Nous allons bientôt traverser une forêt, dit Traian. Tu n’as qu’à sauter la première. Puis tu te caches dans un fourré et tu m’attends. Je sauterai derrière toi.
Nora pleurait.
– Prépare-toi, dit Traian.
– Tout à l’heure, répondit-elle. Maintenant je ne peux pas. J’ai trop peur.
– Jamais nous n’aurons une occasion aussi bonne, dit Traian. Regarde les fourrés sur le bord de la route ; rien de plus facile que de nous y cacher. Tu ne veux pas sauter ? Regarde, le camion a ralenti !
Il prit Nora par le bras. Elle s’agrippa de ses deux mains à la banquette et y crispa ses doigts.
– Non, dit-elle. Toi, tu peux sauter si tu veux. Je te jure que je ne t’en voudrai pas si tu me laisses ici et que tu t’évades tout seul.
Traian Koruga se rassit à son côté et ferma les yeux pour ne plus voir la forêt aux fourrés épais où ils auraient si bien pu se cacher. Ils ne retrouveraient jamais pareille occasion.
Lorsqu’il rouvrit les yeux, le soleil était devant lui, l’aveuglant. Le soleil n’était plus derrière son dos comme auparavant.
Maintenant ils se dirigeaient vers l’Ouest.
– Les Américains sont quand même de braves types, dit Traian en prenant Nora par le bras. Son visage rayonnait de joie. Ils ne nous livrent plus aux Russes ! dit-il. – Et où nous emmènent-ils ? demanda Nora.
Traian se rembrunit.
– Dans une prison américaine, dit-il. Il avait honte de s’être réjoui.
– Pardonne-moi, Nora, d’avoir été tellement joyeux. Il faut être fou pour se réjouir d’être enfermé dans une prison plutôt que dans une autre.
" Mais c’est la dernière phase atteinte par l’homme en Europe.
" Il n’y a plus à choisir qu’entre deux prisons.
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– C’est bien vous Iohann Moritz ? demanda l’officier américain.
Il sourit amicalement et continua :
– Le commandant de la ville veut apprendre de votre propre bouche comment s’est passée l’évasion. C’est bien vous, n’est-ce pas, qui avez sauvé cinq prisonniers du camp de concentration ?
Iohann Moritz rougit de plaisir.
Il n’aurait jamais cru que les officiers américains puissent venir le chercher en auto, pour lui faire raconter tous ses exploits. " Même le commandant de la ville a entendu parler, de moi ", pensa Iohann Moritz. Il dit son nom avec une joie qu’il n’avait jamais ressentie auparavant.
– Oui, c’est bien moi Iohann Moritz.
– Allons-y ! dit l’officier. J’ai mon auto.
Iohann Moritz aurait voulu mettre son veston. Il n’avait sur lui que sa chemise et son pantalon. Il aurait voulu mettre ses chaussettes aussi, car il avait les pieds nus dans ses souliers.
Mais l’officier était pressé.
– Le commandant nous attend, dit-il. Venez comme vous êtes. Dans une demi-heure, vous serez de retour. Je vous ramènerai en auto.
Ils montèrent tous les deux dans la jeep. Moritz sa dit qu’il allait raconter son histoire au commandant sans rien y ajouter. Il choisissait dès à présent ses mots. Il rayonnait de plaisir. Il imaginait le visage du commandant. Il se voyait déjà, assis devant lui et lui racontant son évasion.
Entre-temps, l’auto s’était arrêtée devant une grande maison en pierre. L’officier se tourna vers Moritz.
– Vous resterez ici, dit-il.
Iohann Moritz descendit de l’auto. Il regrettait que l’officier ne l’accompagnât pas. Il aurait eu plus de courage pour raconter son histoire. Mais l’auto était repartie.
La sentinelle de la porte introduisit Moritz dans la cour. Deux policiers allemands vinrent le chercher. Moritz regardait à droite et à gauche. Il n’arrivait pas à croire que le commandant de la ville puisse habiter une maison aussi laide. Mais il n’osa rien demander.
Un pénétrant à l’intérieur il vit que toutes les fenêtres étaient grillées comme dans les prisons. Iohann Moritz demanda :
– C’est ici qu’habite le commandant de la ville ? Les policiers se mirent à rire aux éclats. Ils ne pouvaient plus s’arrêter. Ils enfermèrent Moritz au sous-sol, dans une cellule sans lumière. En tournant la clé par deux fois, ils riaient encore de la question posée par le prisonnier.
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Corina Koruga , la femme du prêtre
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