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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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s’identifier à elles, alors, il n’y aura plus d’hommes sur la terre.
    Nora soupira.
    – Tu n’existes pas en tant que personne humaine, continua Traian, ou bien si tu préfères, tu existes, mais vue et déformée par les yeux de la machine.
    " Mais, dans la Société technique, tout comme dans les Sociétés barbares, l’homme n’a aucune valeur. Ou même s’il en a une, elle est infime. Au fond, toi, tu n’es pas même arrêtée.
    – Nous ne sommes pas arrêtés ?
    – Même pas, dit Traian. Nous, c’est-à-dire toi et moi, nous ne sommes pas arrêtés, bien que nous soyons depuis six semaines déjà en prison. Nos personnes individuelles n’existent même pas pour la Société technique occidentale.
    " En conséquence, elles ne peuvent être arrêtées et ne le sont pas.
    – Cela ne me console pas, dit Nora. Nous ne sommes pas arrêtés, mais cependant nous sommes en prison.
    – Mais si, c’est une consolation. C’est même la seule possible pour cette heure tardive de l’histoire.
     
     
     
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    –  Maintenant c’est fini, dit le gardien chef en entrant dans la cellule de Koruga. Lisez le communiqué. La Thuringe et la ville de Weimar ont été cédées aux Russes. Les troupes soviétiques ont déjà pénétré dans la ville. Des camions pleins de soldats sont arrivés durant la nuit. Les Américains se sont retirés. Ils ne gardent plus que l’immeuble du gouvernement, la prison et quelques maisons. Personne n’a la permission de partir. La ville a été encerclée par la police militaire.
    Nora lut le communiqué dans le journal et regarda tour à tour Traian et le gardien appuyé contre la porte.
    –  Et lorsque la prison sera rendue, demanda-t-elle, nous serons sans doute livrés aux Russes, en même temps que la prison ?
    – Je le crains, dit le gardien. Les Russes prendront possession de la prison ce matin, cet après-midi ou ce soir au plus tard. On ne sait pas l’heure exacte.
    Traian Koruga se prit la tête entre les mains. Il réfléchit un moment et récapitula : " La fuite. Deux cents kilomètres. La Russie. La terreur. Les viols. La Sibérie. Les pieds enflés et couverts de plaies de Nora. Les commissaires politiques. Livrés en même temps que la cellule et la prison comme des esclaves enchaînés. "
    –  Ne vous occupez plus que de l’essentiel, car les temps sont venus, dit Traian. Ce n’est plus le moment d’avoir de secrets. Le gardien chef pourra entendre. Je sais que les Américains vont nous livrer aux Russes, enfermés dans nos cellules. C’est criminel. Mais, en se plaçant à leur point de vue, ils sont innocents. Ils sont aussi candides que des locomotives, qui semblent sourire lorsqu’elles écrasent un homme sur la voie ferrée. Les Occidentaux ont réduit le péché lui-même à une seule dimension. Ils l’ont minimisé jusqu’à l’extrême. Je pourrais même dire qu’ils ne le connaissent plus. Ils ne sont pas coupables. C’est leur civilisation qui est coupable. Mais tout cela n’a pas d’importance en ce moment. Je l’ai rappelé simplement pour que nous ne nous fassions plus d’illusions. Dans quelques moments, nous serons cédés aux Russes, c’est-à-dire aux hommes les plus cruels qui aient jamais agi, grâce à un appareil d’État, sur toute la surface de la terre. Et si je peux supporter encore " l’homme-machine " réduit à sa fonction de robot, je ne pourrai jamais affronter "la bête sauvage motorisée ". Je ne le peux pas. Avant d’être cédé aux Russes, je ferai mon possible pour m’évader et si je n’y réussis pas, je me tuerai.
    Traian se tourna vers le gardien.
    – Nous aideras-tu à nous évader ? demanda-t-il.
    – Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir, répondit le gardien. Je veux partir d’ici. Je suis Autrichien. J’irai chez moi à Vienne. Mais je partirai plus tard.
    – Et moi qu’est-ce que je deviens ? demanda Nora. Moi je ne peux pas m’évader ! J’ai peur. Tu ferais mieux de me tuer, Traian !
    – Nous le ferons ensemble ! dit Traian.
    – Il vaudrait mieux essayer de vous évader d’abord, dit le gardien. Ce n’est pas impossible. Le mur est détruit par les bombardements. Le tout est d’arriver dans la cour. À partir de là, c’est un jeu d’enfant.
     
     
     
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    –  Je n’ai pas le courage de descendre une corde du troisième étage, dit Nora. Toi, tu es un homme. Tu peux le faire. Mais moi j’ai peur.
    Traian Koruga nouait des

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