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La 25ème Heure

La 25ème Heure

Titel: La 25ème Heure Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Virgil Gheorghiu
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vivante. Pourquoi la laisser perdre ?
    Tel est l’objet de ma pétition.
    Je suis sûr de votre compréhension. Vous appartenez à la branche la plus évoluée de la Civilisation technique. Peut-être pourriez-vous envoyer à ce sujet un rapport aux Académies de Sciences de votre pays.
    Il est barbare de laisser se perdre ainsi quarante-cinq mille kilos de graisse, chaque mois. Vous avez d’autres camps aussi. Je crois savoir que seulement en Allemagne il y en a quelques centaines. Vous pourriez avoir des montagnes de graisse fraîche chaque jour.
    Depuis que j’ai entendu la conférence du professeur de Berlin, je hume les airs et je découvre qu’ils sentent la graisse d’homme.
    Votre camp est un pressoir géant qui extrait la graisse des prisonniers. Je la renifle dans les airs. Ne vous arrive-t-il pas de sentir cette odeur de graisse lorsque vous demeurez à votre bureau, la fenêtre ouverte ? Pourtant vos vêtements eux-mêmes doivent en être imprégnés. Ayez l’obligeance de demander à votre femme, ou à la bien-aimée à côté de laquelle vous dormez la nuit, si vos cheveux et votre peau ne sentent pas la graisse d’homme lorsque vous vous étendez à côté d’elle ? Les femmes ont l’odorat plus fin que le nôtre. Elle vous le dira sûrement. Quant à moi, je Sens mon cœur se soulever à cette seule pensée. Cela me donne la nausée. Recevez mes salutations et l’assurance de trouver toujours en moi un grand admirateur de la Civilisation que vous représentez. Je suis sûr que, grâce aux ressources et aux moyens techniques dont vous disposez, vous pourrez utiliser toute cette graisse. (N’oubliez pas que moi-même, je vous en offre trois kilos par mois, de mon propre corps.)
    Le Témoin.
     
     
     
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    Pétition n°  2. – Sujet esthétique. (L’idéal de beauté humaine dans la société technique occidentale).
    L ’autre soir j’ai discuté Esthétique avec un professeur allemand. Et nous nous sommes disputés. Les Allemands, comme les autres Européens, en sont restés au classicisme. Et c’est pourquoi leur société s’est écroulée. Une société saine et évoluée comme la vôtre possède son art moderne.
    Le professeur allemand m’a montré les prisonniers qui se promenaient dans la cour du camp – et qui n’ont plus – comme vous le savez-vous-même – que la peau et les os. Le professeur m’a dit qu’ils étaient laids. Il en était resté à l’idéal de beauté grec. Quant à moi, je trouve que les hommes réduits à leur squelette et à leur peau sont superbes, et constituent de véritables œuvres d’art vivantes.
    J’ai essayé de convaincre l’Allemand que votre Société apprécie le Beau à un point qui ne fut jamais atteint par aucune société jusqu’à nos jours – et que vous pratiquez l’extraction de la graisse des corps humains pour des fins purement esthétiques, pour embellir l’Univers. Il n’a pas compris. Les Allemands comprennent difficilement. C’est pourquoi on dit qu’ils ont la tête carrée. Demain je tiendrai une conférence sur l’idéal de beauté humaine dans l’Occident moderne.
    Il y a un sculpteur suisse : Alberto Giacometti qui a réalisé dans le domaine de la sculpture les mêmes principes et le même idéal de beauté masculine et féminine que vous avez réalisé dans la pratique en faisant disparaître la graisse et la chair du corps humain ! En travaillant à ses Statues, il s’est efforcé à éliminer la graisse du corps humain et de l’espace.
    Le corps humain, ainsi réduit à une seule dimension, prend des formes allongées et sèches de la grosseur d’un fil de fer.
    Vous faites la même chose dans le camp. Je sais depuis toujours que votre civilisation tout entière est basée sur des principes esthétiques.
    Et lorsque demain, toute la surface du globe sera peuplée d’hommes aux corps harmonisés suivant les nouveaux canons esthétiques de l’art de Giacometti – et du vôtre – l’Univers sera resplendissant de beauté !
    Le Témoin.
     
     
     
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    –  Mon vieux Moritz, dit Traian Koruga, j’ai écrit jusqu’à présent au moins quarante pétitions dans lesquelles j’ai voulu leur montrer la vérité et les convaincre de ne plus torturer les hommes. Je suis certain d’avoir raison. J’ai composé chaque pétition avec adresse. Mais en vain. J’ai utilisé le Style juridique, le Style diplomatique, le Style télégraphique, le Style recette de cuisine, le

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