La 25ème Heure
de l’hôpital. Mais il faut aussi que vous fassiez la cuisine à la maison. Il a besoin de plats préparés avec amour et non de repas pris à la marmite commune.
– Je comprends, docteur ! dit Hilda. Elle se sentait toute fière de sa mission. Elle savait que toutes ses collègues seraient jalouses d’elle.
– Est-ce que vous avez une chambre à part ?
– Certainement, dit Hilda en rougissant.
– Je crois que le garçon vous plaît ? dit le docteur.
Sans plus attendre la réponse, il ordonna :
– Préparez-moi la feuille de sortie pour lui, les feuilles de congé pour vous deux, et un bon d’aliments pour trente jours, deux personnes, et des suppléments, catégorie A.
– Jawohl ! dit Hilda, et elle ouvrit la porte.
Le docteur s’arrêta sur le seuil, regarda Iohann Moritz et lui dit en hâte :
– Au revoir, mon garçon, et reviens-moi vite, guéri !
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Iohann Moritz jeta un regard dans la cour de l’hôpital. Il neigeait. Il apercevait au fond la barrière de barbelé. Il demeura longtemps à la fenêtre. Tout à coup, deux mains froides se posèrent sur ses yeux. Il se retourna. C’était Hilda. Il l’avait complètement oubliée. Et les paroles du docteur, il les avait aussi oubliées.
– Mets ton uniforme et viens à la caisse pour prendre ta solde, dit Hilda. J’ai la feuille de sortie de l’hôpital et la feuille de congé. Mon congé aussi a été signé.
Hilda parlait vite. Elle l’aidait à endosser son uniforme. Elle mit la main sous son pull-over pour le lui arranger. Iohann Moritz sentit la main de Hilda sur sa poitrine et eut la sensation que c’était une main familière, une main connue depuis longtemps. Elle l’habillait comme s’il était de longue date déjà son enfant, ou son mari.
Jusqu’à ce jour, Hilda avait été distante et froide à son égard. Elle lui apportait les médicaments, elle prenait sa température et elle partait tout de suite. Mais à présent, elle était devenue brusquement amicale et intime. Plus intime même que Suzanna et Iulisca.
Moritz sentait que Hilda s’était éprise de lui. Elle s’était éprise brusquement : sur l’ordre du docteur. Elle l’aimait. Elle tenait la promesse faite au docteur. La main qui avait touché la peau de Moritz sur sa poitrine, qui avait arrangé le pull-over et fermé les boutons de sa tunique était la main d’une femme amoureuse. Exactement comme l’avait demandé le docteur.
– Le docteur nous a donné la permission de prendre un lit de l’hôpital, dit Hilda. Un grand lit blanc, de la section chirurgicale. Avec deux couvertures en laine. Le mien était trop petit pour deux personnes.
Hilda pensait au lit.
– Le docteur dit qu’il ne faut pas que je t’excite trop, dit-elle. Et c’est tout à fait naturel. Tu as été gravement malade. Mais après une semaine de régime, une bonne nourriture et du repos, tout changera.
– Qui est-ce qui changera ? demanda Moritz.
Elle s’interrompit et l’embrassa vite sur les lèvres.
– Tu verras.
Iohann Moritz encaissa sa solde. Il n’était pas heureux. Il avait exécuté un ordre. Ce n’était pas l’ordre de travailler aux fortifications ou à la fabrique de boutons ou d’être gardien de camp. Il avait reçu l’ordre d’aller avec Hilda, et de faire l’amour avec elle, pendant un mois, -pour guérir, psychiquement et physiquement. C’était un bel ordre. Mais c’était un ordre. Et aucun ordre ne pouvait le rendre heureux.
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– Tu sais, dit Hilda, après une semaine de vie commune avec Iohann Moritz, si nous nous marions j’aurai encore quatorze jours de congé.
Il la regarda avec tendresse.
– Tu m’as dit hier que nous allions nous marier, continua-t-elle.
– C’est vrai, dit Moritz. Il se rappela que la veille il avait bu avec Hilda et sa mère cinq bouteilles de vin.
– Pourquoi ne le ferions-nous pas ? dit Hilda. Si nous nous dépêchons, j’obtiens un congé supplémentaire. Et toi aussi, tu en obtiens un. On nous donnera un appartement, de quoi le meubler, et une prime de deux mille marks. Tu ne coucheras à la caserne que les jours où tu seras de service. J’en ai parlé à ma mère et je crois que la meilleure chose à faire serait de nous marier tout de suite.
Moritz ne disait rien. Hilda crut qu’il ne voulait pas passer son congé à faire des démarches.
– Tu n’as pas besoin de te déranger, dit-elle. Tu n’as qu’à
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