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La Bataille

La Bataille

Titel: La Bataille Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Patrick Rambaud
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Vous avez dû repérer un endroit
favorable pour le pont ?
    — S’il débouche là-bas, vous voyez, les bosquets serviraient
à le masquer aux éventuels espions autrichiens.
    À ce moment, Lejeune entendit parler dans les rangs des
voltigeurs. Paradis expliquait à son voisin que dix mètres plus en amont il y
avait eu un bac. Lejeune appela le garçon :
    — Qu’est-ce que tu disais ?
    — Il y avait un bac autrefois, mon officier, à la
hauteur de cette touffe de roseaux.
    — Comment le sais-tu ?
    — Ben c’est facile, mon officier. Regardez, sur le
talus, on voit la trace des chemins ruraux qui descendent au fleuve.
    — Je ne vois rien.
    — Moi non plus, dit Sainte-Croix malgré sa lorgnette.
    — Si ! insistait le soldat. Les herbes sont pliées
et plus courtes. Elles ont été longtemps piétinées, alors elles ont pas poussé
pareil. Y avait des chemins, j’vous jure.
    Lejeune regarda le soldat avec reconnaissance :
    — Mais tu es précieux, toi !
    — Oh non, Monsieur l’officier, je suis qu’un paysan.
    — Sainte-Croix, dit Lejeune en se tournant vers
l’ordonnance de Masséna, je vous laisse traverser avec vos voltigeurs, mais je
garde celui-ci (il montrait Paradis). Il a un sérieux coup d’œil, et je
compte bien m’en servir pour mes reconnaissances.
    — Accordé. Je n’ai besoin que de deux cents hommes pour
couvrir les pontonniers.
    Paradis comprenait mal ce qui lui arrivait.
    — Ton nom ? lui demanda Lejeune.
    — Voltigeur Paradis, mon officier, 2 e de
ligne, 3 e  division du général Molitor !
    — Tu as aussi un prénom, je suppose ?
    — Vincent.
    — Eh bien suis-moi, Vincent Paradis.
    Lejeune et sa trouvaille s’éloignèrent vers le centre de
l’île tandis que Sainte-Croix ordonnait qu’on mette à flot, avec difficulté,
les batelets sortis des chariots. Des tirailleurs, dans l’eau jusqu’à
mi-cuisse, les maintenaient dans le courant pour que la compagnie embarque sans
mouiller la poudre ni les armes.
     
    Cent mètres plus loin, dans une clairière surveillée par des
sentinelles, d’autres hommes dressaient la grande tente de l’état-major, un
véritable appartement de toile où Berthier recevrait les ordres de l’Empereur
et les ferait parvenir aux officiers. Le mobilier était encore dans l’herbe
mais Berthier n’attendait pas que tout soit installé pour organiser les
opérations. Il était assis dans un fauteuil, dehors, et ses aides de camp
étalaient des cartes en y posant des pierres pour qu’elles ne s’envolent pas au
vent. Devant Berthier comparaissaient les prisonniers autrichiens de l’autre
nuit, qu’il voulait questionner.
    Lejeune arrivait à point pour traduire. Perdu au milieu de
tant d’officiers, le voltigeur Paradis hésitait sur la contenance à prendre, et
il se tordait les mains, très gauche, rouge d’émotion. Il s’était senti
important lorsque Lejeune avait averti la sentinelle qui lui barrait le
chemin :
    — Celui-ci est avec moi. C’est un éclaireur.
    — Il en a pas la tenue, mon colonel.
    — Il l’aura.
    À quoi pouvait ressembler une tenue d’éclaireur ? se
demandait Vincent Paradis.
    Les joues bleuies par une barbe de trois jours, sales et
dépenaillés dans leurs uniformes clairs, seize Autrichiens sans grade restaient
debout au milieu de la clairière, godiches, serrés les uns contre les autres comme
des volailles, étonnés de vivre encore. Ils répondaient docilement aux
questions de Lejeune, très à l’aise dans son rôle, qui livrait à mesure leurs
informations à Berthier :
    — Ils appartiennent au 6 e  corps d’armée
du baron Hiller.
    — Il y a d’autres avant-postes ? demanda le major
général.
    — Ils n’en savent rien. Ils disent que le gros des
troupes campe là-haut sur le Bisamberg.
    — Nous le savons. Combien d’hommes ?
    — Ils disent au moins deux cent mille.
    — Exagération. Divisons par deux.
    — Ils parlent de cinq cents canons.
    — Mettons trois cents.
    — Plus intéressant, ils affirment que l’armée de
l’archiduc Charles a été récemment renforcée par des détachements venus de
Bohême et deux régiments de hussards hongrois.
    — Comment le savent-ils ?
    — Ces Hongrois ont poussé des reconnaissances jusqu’au
Danube. Ils ont identifié leurs uniformes, ils leur ont même parlé.
    — Bon, dit Berthier. Qu’on les expédie à Vienne, ils
serviront dans nos hôpitaux.
    Peu après, avant même que Lejeune

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