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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Rhône.
    En voyant le fifre entrer chez eux, Ernest comprit qu’un secours lui arrivait au milieu de l’étrange embarras où il se trouvait.
    Comme tous les gones, il comprenait très bien que l’on pouvait se battre, être adversaires, mais rester amis   : il redonna donc de bon cœur au fifre l’accolade qu’il en reçut.
    Déjà toute cette petite famille, dressée à l’ordre, avait organisé sa vie.
    L’aînée des Giles (douze ans) avait pris la direction de l’intérieur et tout marchait comme si la mère eût été là.
    Tout luisait, étincelait, brillait   : les yeux seuls et l’air de tristesse grave de ces enfants révélaient leur malheur.
    Le fifre parla, rassura, promit de sauver tout le monde et se fit consolateur de la famille.
    Ernest lui donna une lettre pour M me  Saint-Giles.
    Le fifre la vit, s’excusa de s’être battu avec les Jacobins, dit que c’était à contrecœur, mais qu’il avait eu peur d’être traité de lâche et accusé de trahir.
    Ces scrupules étaient faits pour être compris par une femme de cœur.
    Puis, comment n’aurait-il pas été le bienvenu   ?
    Il apportait à une mère des nouvelles de ses enfants. Il raconta une prétendue conversation qu’il était censé avoir entendue au sujet de Saint-Giles entre les chefs de la réaction.
    Tous étaient d’accord sur le compte du célèbre caricaturiste.
    Il fallait le traiter en enfant gâté, mais terrible   : on le tiendrait sous clé pendant quelque temps, dans son propre intérêt et aussi pour se mettre à l’abri de sa verve railleuse, après quoi on le lâcherait.
    – Il est traité en gentilhomme, à vingt livres par jour, disait le fifre.
    Et il capta la confiance de la mère comme celle des petits.
    Il affirma à madame Saint-Giles que sœur Adrienne elle-même verrait bientôt son sort s’adoucir.
    Bientôt elle lui apporta de fausses lettres de la malheureuse.
    La baronne avait à sa disposition ce merveilleux faussaire qui fabriqua tant de faux politiques, soit dans le procès Châlier, soit dans le cours du siège, au profit de la cause royaliste. C’était un forçat envoyé de Toulon à Roubiès.
    Elle obtint ainsi de madame Saint-Giles de vraies lettres pour son fils et elle le persuada de lui cacher son arrestation et celle de sœur Adrienne, afin, disait-elle, qu’il ne se tourmentât pas.
    Quand plus tard elle eut besoin d’autres lettres, elle les fit écrire par le faussaire et les dicta avec beaucoup d’art.
    C’est ainsi qu’elle calma pendant si longtemps les impatiences de Saint-Giles.
    Elle rendit, du reste, un signalé service à la mère, en la faisant transférer dans une autre prison, où elle fut dignement traitée et où, suprême joie, elle vit ses enfants, qu’on lui permit d’embrasser.
    Ainsi s’explique la conduite de Saint-Giles en prison, conduite qualifiée à tort si sévèrement par certains républicains du parti de Collot-d’Herbois de « rôle louche », de « complaisances suspectes pour la baronne de Quercy ».
    Saint-Giles, sa mère, sœur Adrienne elle-même, tous furent trompés par la baronne.
    Je le répète, Saint-Giles, en prison, pouvait-il repousser cet amour, qu’il devait plus tard payer si cher   ?
    Quant à la baronne, elle payait, de son côté, cet amour au prix d’efforts inouïs qui lui permirent de prolonger la situation pendant des semaines.
    À quelques jours de là, la baronne mandait chez elle dom Saluste.
    Elle voulut donc lui confier le soin de tirer comme un libérateur sœur Adrienne de l’in-pace, de la transférer en prison et de lui promettre la liberté le plus tôt possible.
    En s’offrant à elle comme un protecteur intéressant auprès de ses ennemis, en transformant l’in-pace effrayant en une détention simple où on la traiterait avec égard, il était évident que dom Saluste serait regardé par sœur Adrienne comme un ange sauveur.
    Plus tard, il la déterminerait à fuir, puis l’enlèverait.
    Elle le reçut sous son déguisement de fifre en se faisant passer pour le frère de M me  de Quercy.
    – Donc, dit-il, vous allez vous rendre auprès de sœur Adrienne dans l’in-pace. Vous lui annoncerez que vous avez obtenu sa délivrance, puis vous vous retirerez. On mettra sœur Adrienne en cellule dans une maison sûre que je fais transformer en prison pour elle avec son ancienne supérieure pour la garder et vous la visiterez dans trois ou quatre jours quand elle sera remise de ses

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