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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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avec tout l’aplomb d’une grande dame et d’une courtisane. Saint-Giles fut tiré bien vite de la rêverie où la plongeait cette lettre.
    – Eh bien, monsieur, demanda le geôlier, ce dîner   ?
    – Ce que tu voudras, dit Saint-Giles avec indifférence.
    – Alors, je puis faire commander le menu rédigé par le père Rateau pour vous.
    – Pour moi   !
    – Oui   ! il a su votre arrestation et il a pensé que vous seriez peut-être embarrassé pour composer les trois menus de vos trois repas   ; alors il en a envoyé pour huit jours.
    Saint-Giles reconnut là une attention de la baronne.
    – Sacrebleu   ! dit-il en riant, je ne suis pas en prison alors, je suis à l’engrais.
    – Oh, monsieur   ! Fi le vilain mot   ! Vous allez bien vivre, voilà tout.
    Et le geôlier sortit.
    Dès que cet homme fut dehors, Saint-Giles sentit l’ennui revenir à tire-d’aile. Il relut le billet de la baronne, le flaira, sourit au souvenir de sa nuit chez Rateau, puis il recommença à s’ennuyer ferme.
    Il se promena. Bâilla, regarda le ciel et rebâilla.
    Il en vint, comme tous les prisonniers, à attendre son repas avec impatience.
    Quand il entendit le pas du geôlier, il sentit son estomac se gaudir.
    Il avait faim du reste grand faim.
    Le menu était destiné à satisfaire délicatement un robuste appétit.
    Potage à la royale
    Hors-d’œuvre de saison
    Côtelette d’agnelet dauphine
    Truite à la Béarnaise
    Poulet truffé
    Fraises frappées au champagne
    Comme vin, un mâcon premier choix
    Du café exquis
    Des cigares parfaits
    Quand Saint-Giles en eut allumé un, le geôlier et ses aides se retirèrent, laissant sur la table un cabaret garni.
    Saint-Giles, en savourant son cigare, dégusta un verre de la fameuse liqueur de M me  Amphaux, puis il alluma un second cigare, puis l’ennui revint et avec lui le sommeil fort heureusement.
    On était en pleine chaleur de juin.
    La sieste fut longue, mais pas assez pour que l’artiste n’eût point à s’ennuyer jusqu’au moment du souper.
    Il avait été convenu qu’on le servirait à sept heures.
    Enfin, le geôlier parut, précédant les porteurs de plateaux.
    – Décidément, je ne vis ici que pour manger, se dit Saint-Giles, honteux de se sentir tant joyeux de ce repas qui allait le distraire.
    Le menu était aussi savant que celui de midi.
    Rateau se surpassait.
    Saint-Giles, cependant, ayant dormi dans la journée, prévit qu’il ne dormirait pas pendant la nuit.
    Il demanda de la lumière, des crayons et du papier.
    – De la lumière   ? Impossible, dit le geôlier.
    – Pourquoi   ?
    – Dans la crainte du feu.
    – On me permet bien le cigare qui brûle.
    – Mais qui ne flambe pas, dit le geôlier. Remarquez que je vous laisse fumer par tolérance parce que le gouverneur approuve les menus du père Rateau qui comportent des cigares, mais de la bougie, c’est impossible.
    Saint-Giles n’insista pas.
    Il voyait bien que ce serait inutile, et il se contenta de murmurer   :
    – Dieu   ! que cette nuit sera longue et que je vais m’ennuyer. Que faire, pendant ces huit mortelles heures où je ne verrai pas clair   ?
    Le geôlier échangea un sourire avec ses aides et se retira.
    Saint-Giles se remit à s’ennuyer, s’ennuyer, s’ennuyer.
    Il cherchait les distractions les plus futiles.
    Le bruit du tambour battant la retraite lui causa infiniment de plaisir.
    Il fit ce que font tous les prisonniers, il écouta les légers craquements du plancher qui joue, les tassements des plâtres que font travailler les différences de température, les grignotements des souris et leurs trottements à travers leurs galeries souterraines.
    Puis les quarts, les demies, les trois quarts et les heures tintaient   : et Saint-Giles sut alors ce que c’est que quinze minutes et ce que sont neuf cent soixante secondes.
    À dix heures, le couvre-feu vibra et le sommeil n’était pas encore venu.
    Saint-Giles en était si loin, qu’il se promenait avec agitation.
    En était-il donc toujours ainsi pour les prisonniers   ?
    Tous éprouvaient-ils le besoin de tourner comme des loups en cage et d’arpenter le plancher de long en long, de large en large   ?
    Tout à coup, Saint-Giles entendit marcher.
    Des pas s’arrêtèrent à la porte de la cellule.
    – Que diable peut-on me vouloir   ? demanda Saint-Giles.
    Il eut comme une lueur d’espoir, lueur vague, indécise.
    L’image du fifre lui apparut comme dans un rêve.
    Mais comment

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