La Bataillon de la Croix-Rousse
du commandant Pierre, celui-ci est avec eux : tous sont habitants de la Croix-Rousse, mais Auvergnats. Ils se cacheront dans la maison même du commandant. Ils ont mission de faire feu en l’air sur nos Lyonnais.
– Très bien ! Vous nous tirez d’un grand péril, général, car je redoutais beaucoup la popularité de Saint-Giles, ce commandant du bataillon de la Croix-Rousse qui a l’intention de haranguer nos Girondins.
– Mais est-ce que vous ne protégez pas un peu ce Saint-Giles à cause de M me de Quercy ?
– C’est-à-dire que j’ai dû me montrer indulgent pour plaire à notre chère baronne. Mais elle est la pire ennemie de ce malheureux caricaturiste.
– Alors, dit Chenelettes, je puis vous avouer que nos Auvergnats toucheront mille francs s’ils abattent ce Saint-Giles, et que cinq ou six pièces cracheront à mitraille sur le point où il sera. S’il échappe à cette bombe de feu et aux balles des Auvergnats, il aura vraiment une chance inouïe.
– Vous avez donc une injure personnelle à venger ?
– J’ai à le punir d’une caricature ignoble.
– Eh bien, tant mieux ! dit Roubiès. Ce Saint-Giles est un dangereux garçon.
D’un air dégagé :
– Général, allez à votre poste et ne le manquez pas.
Mais le guet-apens de la Croix-Rousse, échauffourée militairement insignifiante, eut une grande importance politique pour Lyon.
Sans le guet-apens de la Croix-Rousse, peut-être le siège n’aurait-il pas eu lieu.
Pour la France et pour le monde, c’était chose de secondaire importance, mais pour Lyon…
La ville, si elle s’était soumise, n’aurait point perdu sept cent millions, dix mille hommes au combat et deux mille dans les exécutions.
Cette idée d’une sommation portée par un trompette avec pourparlers d’avant-garde aux avant-postes était de Saint-Giles.
À peine revenu d’Avignon, l’artiste avait, sans perdre une seconde, levé ce fameux bataillon de la Croix-Rousse qui devait s’immortaliser pendant le siège.
Il avait d’abord et d’emblée réuni une compagnie de dessinateurs sur étoffes accourus à son appel et soldés tout aussitôt par la municipalité de Villefranche ; puis les ouvriers typographes et lithographes qui avaient composé et imprimé le journal de Saint-Giles avaient formé une seconde compagnie ; les libraires, colporteurs de journaux, crieurs et autres, avaient improvisé la troisième compagnie, et Saint-Giles avait vu bientôt le bataillon se compléter à six compagnies.
La Ficelle et Monte-à-Rebours lui avaient fourni à eux seuls trois compagnies, des anciens Carmagnoles.
Il était, du reste, un des plus beaux bataillons de l’armée républicaine.
Armé et habillé comme la ligne, il était bien exercé : Kellermann le prit pour un des bataillons de son armée des Alpes, un jour de combat, tant son attitude était martiale.
Il avait pour guidon un drapeau noir avec une grande croix rousse sur un des revers de l’étoffe ; sur l’autre, une lune pleine avec cette devise.
Sans quartier !
On a reproché cette devise à ce bataillon.
On oublie que les généraux lyonnais avaient décidé que les hommes qui en faisaient partie, s’ils étaient capturés, seraient fusillés sans jugement.
De là, cet uniforme de la ligne, adopté par Saint-Giles pour que ses hommes, faits prisonniers, fussent confondus avec ceux de l’armée régulière.
Saint-Giles qui depuis seize ans jouait au soldat, comme presque tous les jeunes gens de Lyon, et qui, de plus, avait le feu sacré, Saint-Giles s’était mis rapidement à la hauteur de son rôle.
Il faut dire qu’à cette époque, on faisait bon marché des exercices de parade et que l’on allait droit au but.
On avait réduit la manœuvre et la tactique aux mouvements les plus simples et les plus pratiques, en vue d’un combat et non des vaines ostentations du Champ-de-Mars.
Sur le rapport du général Carteaux qui avait inspecté le bataillon en formation, celui-ci était entré à la solde de l’État, et un décret l’avait envoyé à l’armée des Alpes pour Lyon.
Malheureusement pour lui, Saint-Giles, sans le savoir, était en suspicion.
Comme Couthon, un des représentants en mission à l’armée de Lyon était un ami intime de Robespierre, celui-ci lui envoyait une foule de renseignements et de notes pouvant être utiles.
Parmi ces notes Couthon en trouva une concernant Saint-Giles.
« Se défier du
Weitere Kostenlose Bücher