La Bataillon de la Croix-Rousse
un geste d’autorité et un accent superbe :
– Comme tous ici, nous sommes convaincus que Saint-Giles est un républicain ardent, victime d’une fatalité inouïe, nous lui devons cet honneur suprême de mourir pour la République. Je demande donc au tribunal de condamner l’accusé à rester en permanence au poste le plus périlleux, à marcher en tête de toutes les attaques, à monter le premier aux assauts. Si, la ville prise, il est encore debout, c’est que la mort elle-même l’aura acquitté !
Un cri, un seul cri, un cri de furieux enthousiasme s’échappa de dix mille poitrines de soldats.
C’était la conscience de l’armée qui parlait.
Mais, étendant la main, le sourcil froncé, le regard menaçant, Dubois-Crancé figea cette effervescence d’un seul geste. Puis, il dit au président :
– Au tribunal de prononcer.
Le vieux colonel consulta à voix basse ses collègues et la proposition qu’il leur faisait étant acceptée, il se leva pour rendre la sentence.
C’était un acquittement à l’unanimité.
– Nous ne pouvions, dit ensuite le vieux colonel, voter que l’acquittement ou la mort. L’accusé est libre. Mais il appartient aux représentants en mission de rendre un décret l’envoyant aux avant-gardes en permanence.
Saint-Giles prit la parole et dit avec une grande simplicité :
– Je jure devant l’armée que jamais décret n’aura été mieux exécuté. Je donne ma démission de chef de bataillon pour prendre un fusil et pour montrer aux grenadiers de la République à mépriser la mitraille des révoltés. Je rends donc mes épaulettes.
Cependant, la séance étant levée, Dubois-Crancé prit la place du président.
Les tambours battirent le « garde-à-vous ».
On se tut.
Alors Dubois-Crancé prit la parole :
– Moi, dit-il, représentant du peuple auprès de l’armée des Alpes, muni des pleins pouvoirs de mes collègues, au nom de la République française, une et indivisible, je rends le décret suivant :
– Le commandant Saint-Giles, avec le bataillon de la Croix-Rousse qu’il commande, occupera en permanence le poste le plus périlleux pendant toute la durée du siège.
Le général en chef Kellermann est chargé de l’exécution du présent décret.
Les hommes du bataillon qui s’étaient rapprochés de leurs chefs poussèrent des vivats joyeux et enlevèrent Saint-Giles qu’ils emmenèrent en triomphe.
Mais, après le long tumulte de cette scène toute militaire, devant quelques curieux seulement demeurés là pour voir ce qui adviendrait des prisonniers auvergnats, le reste de l’armée ayant fait cortège à Saint-Giles, la cour martiale rentra en séance.
Il s’agissait de juger les auteurs du guet-apens.
Cette fois, l’accusateur public se contenta d’un réquisitoire sommaire et dédaigneux.
Un défenseur d’office essaya vainement d’une justification impossible.
La cour prononça la peine de mort.
Républicaine
Dubois-Crancé voulait, en précipitant le premier bombardement, effrayer la ville, la forcer à se convaincre que les boulets républicains pouvaient l’atteindre et l’ensevelir sous ses ruines.
Ce bombardement eut donc lieu et dura juste assez pour montrer la portée des projectiles.
Le but de Dubois-Crancé était de reprendre, après le bombardement, la tentative manquée la veille par Saint-Giles.
Il pensait que son premier avertissement à coups de canon aurait produit un effet salutaire sur les rebelles.
Il les ménageait encore, il espérait toujours un accommodement.
Le 9 au matin, il leur envoyait, sous le nom de Kellermann, une nouvelle sommation en même temps qu’une protestation contre l’attentat de la veille et il accordait à la ville un jour de réflexion.
Voici cette pièce, curieuse à plus d’un titre.
« Le général des armées des Alpes et d’Italie, aux citoyens qui exercent des fonctions administratives à Lyon.
« Citoyens,
« Je vous ai fait faire hier, par l’officier commandant l’avant-garde, sommation de vous décider dans une heure à obéir aux décrets de la Convention, vous ne m’avez pas répondu. Je veux bien croire que celui qui commandait un poste en avant de la Croix-Rousse, auquel cette sommation a été remise, ne vous l’a pas fait parvenir.
« J’ai à me plaindre de ce que ce commandant, qui avait demandé trois heures pour répondre à la sommation, a fait lâchement tirer du canon à mitraille sur les troupes de la
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