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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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souveraine   ; je m’incline devant son autorité, mais je te ferai observer, citoyen président, que la loi, même dans le cours des débats, donne à quiconque le droit de s’offrir comme défenseur. Demande donc à l’accusé s’il veut que je plaide sa cause.
    Cette fois, les bravos éclatèrent car Dubois-Crancé venait de sauver la tête de l’accusé.
    Intervenant ainsi, il semblait qu’il allait parler au nom même de la Convention qu’il représentait.
    Le président agita sa sonnette, le silence se rétablit et il demanda à Saint-Giles demeuré calme, impassible même   :
    – Accusé, acceptez-vous le défenseur qui se présente   ?
    – Oui, dit Saint-Giles, mais pour l’honneur seulement car, pour ma vie, je la donne à la République comme expiation   ; acquitté ce soir, je chercherai la mort demain, comme je l’ai cherchée aujourd’hui.
    Dubois-Crancé sourit cette fois à Saint-Giles.
    De plus en plus, il se laissait gagner à une vive sympathie pour ce hardi soldat.
    Le président donna la parole à l’accusateur public.
    Celui-ci avait, nous le savons, des prétentions à l’éloquence   ; une joute oratoire contre Dubois-Crancé lui paraissait une heureuse occasion de déployer tous ses moyens.
    Il modifia selon les besoins du moment son premier discours et il mit tout son art à discuter   ; les charges pesant sur l’accusé furent mises en évidence avec force phrases pompeuses   ; les faits venant à décharge furent commentés avec la mauvaise foi la plus fleurie   ; ce gendarme-procureur employa tour à tour l’ironie, l’emphase pathétique, la persuasion verbeuse.
    De temps à autre, il regardait Dubois-Crancé, en lançant un argument perfide et il semblait lui dire   :
    – Il faudra répondre à ceci, mon bonhomme. Tu as beau avoir l’habitude de la tribune   ; moi, gendarme, je t’écrase d’avance sous ma mâle éloquence.
    Dubois-Crancé écoutait de l’air d’un homme supérieur qui encourage un débutant.
    Cette attitude froissa le gendarme qui voulut piquer au vif Dubois-Crancé et le forcer à déployer toute sa faconde.
    Il termina ainsi sa péroraison   :
    – Je demande la condamnation de l’accusé parce que la loi est formelle et que ce serait un scandale de voir un tribunal acquitter l’amant d’une ci-devant baronne, lorsqu’un décret condamne à mort celui qui n’a pas dénoncé une émigrée.
    – Je sais que mon adversaire assis au banc de la défense est un orateur disert et habile   ; je sais qu’il séduit et passionne une grande assemblée dans une autre enceinte, mais, parlerait-il pendant deux heures, je le défie de répondre à ce simple argument   : peut-on violer impunément la loi   ?
    « L’accusé l’a violée. Donc, il est coupable. Donc, pour l’exemple et pour le salut de la République, il faut que sa tête tombe. J’attends, plein d’une curiosité respectueuse, ce que mon très éloquent contradicteur va pouvoir opposer à cette argumentation si simple.
    Ce gendarme, excellent gendarme du reste, venait, par amour-propre, de trouver en effet un moyen d’embarrasser les juges.
    La loi était formelle, l’accusé avait avoué…
    Il n’y avait pas à discuter, il avait connu la qualité d’émigrée de la baronne et il avait cependant protégé sa fuite jusqu’à Avignon.
    À cette époque, personne n’osait biaiser avec le devoir.
    Le devoir des juges, devenu évident grâce à l’habileté de ce maudit gendarme, était de condamner.
    L’air sombre du président, la mine renfrognée des juges, les figures attristées des soldats, leurs réflexions échangées à voix basse, tout prouvait que le coup avait porté.
    Dubois-Crancé se leva.
    Le bon gendarme le regarda d’un air sournois.
    – Cause toujours, pensait-il. Il t’en faudra de la salive pour effacer l’impression que j’ai produite…
    Mais Dubois-Crancé, à la stupéfaction du bon gendarme, débuta ainsi   :
    – L’accusé est coupable…
    Cette déclaration produisit un froid   ; ces mots firent tomber comme un manteau de glace sur chaque conscience.
    Dubois-Crancé reprit   :
    – Il serait indigne du héros républicain qui est devant vous, indigne de la République, indigne de moi et de vous de demander son acquittement. La loi prononce la peine de mort, condamnez l’accusé à mort… »
    L’assemblée était suspendue aux lèvres de ce défenseur qui vouait son client à la mort.
    Mais Dubois-Crancé reprit avec

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