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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Saint-Giles, dit le trompette en se présentant après avoir sonné la chamade pour faire cesser le feu un instant. Je suis chargé par le général Chenelettes que je quitte à l’instant de vous complimenter pour la façon étonnante dont vous avez conduit votre bataillon au feu avant-hier. Il m’a dit en propres termes que vous n’aviez pas votre pareil dans l’art de battre en retraite et que vous aviez merveilleusement dressé votre bataillon à se garer du feu, car, depuis quarante-huit heures, on n’a pas vu le nez d’une de vos taupes.
    Ce trompette, vieux soldat réformé qui venait de reprendre du service par zèle royaliste, était gouailleur comme tous les trompettes.
    C’est une tradition dans toutes les armées   : tambours, clairons et trompettes sont blagueurs.
    Chenelettes avait dit à ce parlementaire   :
    – Tâche un peu de piquer l’amour-propre de ces taupes qui dorment là-bas sous leurs abris.
    Et le trompette traduisait à sa façon cette provocation.
    Saint-Giles était trop intelligent pour ne pas comprendre que Chenelettes cherchait à le pousser à quelque démonstration imprudente afin de l’écraser.
    Il se contenta de répondre au trompette   :
    – Les taupes ont du bon   ! Chenelettes s’en apercevra tôt ou tard.
    Et il fit escorter le trompette jusqu’à la Pape.
    Mais pendant que le parlementaire s’en allait au trot, une estafette portait un mot de Saint-Giles à Dubois-Crancé.
    Celui-ci se rendit sur-le-champ auprès de Kellermann.
    – Général, lui dit-il, les Lyonnais vous envoient un message par un trompette qui se permet de traiter nos soldats de taupes. Le commandant Saint-Giles vous demande carte blanche pour répondre comme il convient à cette insolence.
    – Un coup de tête   ? fit Kellermann, esprit un peu froid.
    – Je suppose   ! fit Dubois-Crancé   ; mais ce bataillon de la Croix-Rousse est une espèce de troupe d’enfants perdus que l’on peut risquer. Il faut inspirer à l’ennemi le respect de nos armes et abattre sa jactance. Si vous le voulez, je monte à cheval et je vais vérifier moi-même ce qu’il y a de possible dans le plan de Saint-Giles.
    – Du moment où vous en prenez la responsabilité, dit Kellermann, risquez tous les coups de tête que vous voudrez.
    Puis il demanda   :
    – Savez-vous ce que me veulent les Lyonnais   ?
    – Ma foi, non.
    – Si seulement ils avaient la bonne idée de se rendre   : ces pauvres diables s’éviteraient les horreurs du bombardement.
    – Toujours des scrupules, mon cher général.
    – Que voulez-vous   ? Je ne puis me faire à l’idée de tuer les Français en tas. Il m’en coûte de signer un ordre de bombardement, je vous l’ai déjà dit   ; mon cœur en saigne.
    – Cependant, général, tout est prêt, notre tir est rectifié d’après les résultats obtenus et il importe d’envoyer à l’ennemi ce que j’appelle un second avertissement par le canon.
    – Hélas   ! fit Kellermann. Enfin, puisqu’il le faut, ce sera quand vous voudrez.
    Dubois-Crancé partit sur ce mot plein de résignation, en recommandant au général de retenir le trompette le plus longtemps possible.
    Le représentant du peuple trouva, en arrivant devant Cuire, le bataillon de la Croix-Rousse sous les armes   ; deux pièces de quatre bien attelées se tenaient prêtes à se porter sur le point qu’on leur désignerait.
    Dubois-Crancé serra la main de Saint-Giles et lui demanda   :
    – Que proposes-tu, citoyen commandant   ?
    – Tu sais, dit Saint-Giles, citoyen représentant, que l’ennemi nous insulte et qu’il traite les hommes de mon bataillon de taupes et de lâches.
    Il y eut des murmures, des frémissements, des trépignements   ; on eût dit une fourmilière sur laquelle un chien vient de lever irrévérencieusement la patte.
    Saint-Giles montra à Dubois-Crancé une petite éminence, une sorte de renflement, couvert par une construction d’aspect solide, et située à deux cents pas du cimetière.
    – Cette construction, dit Saint-Giles, domine le cimetière.
    – L’ennemi l’occupe   ! fit observer Dubois-Crancé.
    – Oui, mais il n’y a pas placé de canons. Une faute.
    – C’est vrai   !
    – J’offre de débusquer le poste qui défend cette maison que je connais bien   ; les pièces de campagne arriveront au galop dès que nous serons maîtres de ce poste et elles tireront sur le cimetière par des embrasures que j’aurai fait pratiquer.

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