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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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retraités, en moustaches blanches, dirigeaient les travaux.
    Beaucoup d’enfants, amenés par leurs mères, roulaient aussi des cartouches.
    Dans la dernière cave, atelier peu recherché, on plaçait les dernières venues comme au poste le moins enviable.
    Là, l’air était plus rare, plus lourd et la chaleur plus étouffante.
    Avec un dévouement volontiers accepté, la veuve dont nous avons parlé s’était offerte dans la nuit du 23, pour montrer, comme surveillante, aux dernières venues, entassées dans cette cave, comment « on roulait les cartons ».
    De temps à autre, un sous-officier venait voir « si cela marchait » et il s’en allait satisfait.
    Vers onze heures du soir, la surveillante en deuil, la patronne, comme disaient les femmes, se leva et dit d’un air étrange   :
    – Je ne sais pourquoi, j’ai dans l’idée que nous sauterons cette nuit. Est-ce que vous ne sentez pas une odeur de poudre brûlée   ?
    – Mais oui   ! dirent quelques ouvrières avec inquiétude.
    Alors cette femme se mit à raconter avec des détails sinistres plusieurs histoires d’explosion de poudrières.
    Elle qui ne parlait jamais semblait animée d’une verve intarissable.
    Elle donnait des détails qui effrayaient les imaginations des ouvrières.
    Quand les gardes du génie paraissaient, elle se taisait, pour recommencer bientôt après leur départ.
    Les femmes devenaient très sombres et très fébriles, leurs têtes se peuplaient de chimères et de fantômes.
    Et la veuve, de sa voix lente, calme, à l’accent monotone, répétait souvent au cours de ses récits   :
    – Une étincelle, et c’est fini   ! Nous sommes toute brûlées vives, surtout nous autres qui sommes dans la dernière cave.
    Elle racontait avoir vu des malheureuses femmes carbonisées avec leurs enfants.
    – Les petits, disait-elle, étaient raccourcis et rapetissés   ; leurs squelettes étaient à peine grands comme des poupées.
    Les mères effarées embrassaient leurs enfants   : elles regrettaient de les avoir amenés.
    La veuve, lugubre dans ses vêtements noirs et dans sa coiffe sombre, arrangeait la lampe de mine dont les femmes ignoraient le mécanisme.
    La flamme diminuait et chaque fois la veuve faisait cette remarque   :
    – Quand les lampes baissent, il faut les raviver, car l’explosion s’annonce toujours par ce mauvais signe, les lumières pâlissent et s’éteignent.
    Et elle suivait du regard l’effet de ses paroles.
    À un certain moment, elle le jugea poussé suffisamment   ; toutes les figures étaient bouleversées.
    Alors elle se leva, parut vouloir arranger la lampe, l’éteignit tout à coup et cria dans les ténèbres   :
    – Sauve qui peut   ! Nous sautons   !
    Puis tout aussitôt, d’une voix lamentable   :
    – Au feu   ! Au feu   !
    Une traînée de poudre ne se fût pas enflammée plus vite que la terreur ne s’empara de tous les ateliers.
    Les travailleuses s’enfuirent en répétant le cri   : au feu   ! Elles étaient saisies d’une de ces paniques effroyables qui saisissent les foules, surtout quand elles sont composées de femmes.
    Les caves vomissaient l’une dans l’autre des flots de malheureuses affolées qui s’écrasaient mutuellement dans les abords des baies trop étroites.
    Il y eut un tumulte affreux, des enfants étouffés, des officiers et des soldats battus, à demi-étranglés, foulés aux pieds, parce qu’ils voulaient calmer ce délire.
    Quelques caves seulement étaient vides, lorsqu’une première explosion de peu d’importance mais grossie par l’effroi, retentit, imprimant à la fuite des femmes une impulsion terrible.
    Les dernières poussèrent les autres si violemment que tous les ateliers furent vidés en un instant   ; il ne resta que les victimes de cette pressée formidable, et, çà et là, quelques vieux soldats, des hommes de bronze qu’aucune peur ne pouvait atteindre.
    Ceux-là avaient pourtant entendu une explosion dans le dernier caveau, mais c’était comme le bruit d’une sébile de poudre qui prend feu.
    Ils restaient donc immobiles à leur poste où les clouait la consigne d’un sentiment du devoir.
    Éloignés les uns des autres, préposés à différents services de haute importance, ils s’attendaient à sauter et s’étonnaient que la première explosion ne fut pas suivie de plusieurs autres.
    Ils virent alors passer une femme vêtue de noir qui marchait lentement.
    Tous la connaissaient   ; chacun

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