La Bataillon de la Croix-Rousse
attaquaient en vain par le faubourg de la Croix-Rousse.
L’ennemi avait là comme point de défense avancé le fameux cimetière de Cuire, en avant duquel se développait une ligne de postes fortifiés formés par les maisons Panthod, Rousset, Bouvard, la villa Nérat et le cimetière de Cuire.
Dubois-Crancé désespérait d’emporter la Croix-Rousse de vive force : c’était chose impossible.
Il avait pour plan de compléter l’investissement de la ville avec l’aide des Auvergnats que rassemblait Couthon et de réduire par la famine la ville entièrement cernée.
Mais ils étaient obligés de tenir devant la Croix-Rousse des forces considérables, toujours en éveil, car ces quatre maisons que j’ai nommées étaient autant de redoutes armées d’artillerie, et cette ligne donnait à l’ennemi une puissance d’irruption menaçante pour nos lignes.
Saint-Giles avait eu une idée.
Il avait fait préparer huit chariots réquisitionnés dans le voisinage et il les avait fait charger de sacs de terre et de gabions.
Ces chariots, attelés de huit chevaux chacun, étaient conduits chacun par quatre hommes résolus qui montaient en postillon.
Dubois-Crancé qui comprit l’idée de Saint-Giles se prit, comme nous l’avons vu, à espérer qu’à l’aide de ces matériaux, Saint-Giles pourrait se retrancher solidement.
Mais il sentait trop les difficultés inouïes de l’entreprise pour ne pas concevoir des craintes.
Il ordonna la plus grande vigilance aux réserves pour recueillir, en cas d’insuccès, les débris du bataillon sacrifié.
Il avait presque regret de hasarder une si belle troupe.
Jamais ce bataillon n’avait eu si fière contenance ; il était devenu une de ces troupes d’élite à laquelle nul ne conteste sa gloire.
Chaque homme semblait être et était un héros.
De toutes parts, les soldats qui n’étaient point de service accouraient voir ces fameuses taupes de Saint-Giles dans leurs trous aux avant-postes.
Il y faisait « si chatouilleux » que les curieux y restaient souvent frappés à mort.
Par un ordre du jour, il fallut interdire l’accès de ces postes aux autres troupes.
On juge de l’exaltation d’orgueil, de l’amour-propre enragé d’un tel bataillon.
La garde nationale de Grenoble lui avait envoyé un bouquet d’immortelles pour qu’il fût attaché à son drapeau ; les volontaires de l’Isère avaient voté une adresse à ces volontaires lyonnais, la garde nationale de Saint-Étienne leur avait décerné une couronne de lauriers.
Quand un soldat de ce fameux bataillon passait dans les camps, portant un message de Saint-Giles ou allant chercher des ordres, on lui faisait une ovation.
Tant d’honneurs galvanisaient les courages de ceux qui en étaient l’objet.
Lorsque Dubois-Crancé passa devant le front du bataillon, il vit venir à lui Saint-Giles :
– Citoyen représentant, dit le commandant à haute voix, quand les gladiateurs romains descendaient dans l’arène, ils allaient, esclaves voués à la mort, saluer César imperator. Nous, libres citoyens, soldats de la République, nous te disons :
« Ceux qui vont mourir te saluent ! Entrés dans la maison de Panthod, pas un de nous n’en sortira vivant. Nous le jurons ! »
Il fit avancer le drapeau et tous les soldats répétèrent son serment.
Dubois-Crancé, profondément ému, leva son chapeau et s’écria :
– Soldats,
« La Convention vous rend votre salut ; les Spartiates aux Thermopyles n’étaient point plus grands que vous ! »
En ce moment, un éclair immense jaillit des bords de Saône et l’on vit sauter l’arsenal.
Dubois-Crancé prit alors la main de Saint-Giles et lui dit :
– Ta mère vient d’allumer ce volcan pour venger l’outrage que tu connais : elle est morte en se faisant ces imposantes funérailles. Va et venge-la à son tour.
Saint-Giles poussa un cri de désespoir et s’élança, entraînant ses soldats.
Sûr de ses hommes, Saint-Giles, au lieu de former une colonne qui eût offert une masse au tir de l’ennemi, Saint-Giles, suivant l’inspiration qui animait les armées révolutionnaires, fit combattre en ordre dispersé.
Les pelotons, enlevés par leurs chefs, avaient chacun une destination sur l’une des faces ou l’un des angles de la maison.
Chacun d’eux se développa en une ligne de tirailleurs soutenus par des piquets.
La maison fut cernée en moins de trois minutes et la garnison,
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