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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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pardonne, dit la baronne, vous êtes poète   ; il me semble que vous improvisez des vers.
    – Non, madame. J’ai mis le nom de Sautemouche à la place de celui d’un sorcier dans une chanson que j’ai apprise étant petite.
    – La chanson fera le tour de Lyon, dit la baronne. J’enverrai votre refrain au marquis de Tresmes pour qu’il brode des couplets dessus.
    M me  Adolphe battit des mains et s’écria   :
    – Si je ne me retenais pas, je vous embrasserais.
    – Retenez-vous, Madame Adolphe   ! dit sèchement la baronne.
    Puis elle ordonna   :
    – Conduisez-moi au boudoir et faites-moi chauffer ce bain. Il doit y avoir ici un certain nombre de domestiques   : promettez-leur de très fortes gratifications, vous donnerez carte blanche au maitre-d’hôtel pour engager le nombre d’auxiliaires nécessaires. Il faudra traiter l’état-major et la compagnie, faire le service de la maison, tenir tout en ordre malgré le désordre. Mais on paiera en argent comptant tous les soirs. Dans ces conditions l’on trouvera des gens dévoués. Vous devez avoir du flair, madame Adolphe   : voyez à ce que l’on n’engage pas de traîtres.
    – Madame la baronne, je choisirai moi-même parmi les pays et payses qui sont à Lyon.
    – Très bien   ! Et maintenant, vite   ! mon bain d’abord.
    Comme M me  Adolphe filait, pareille à une flèche bien décochée, la baronne la rappela.
    – Et le boudoir   ? lui demanda-t-elle. Il faut d’abord m’y conduire.
    L’Auvergnate emmena la baronne dans un joli réduit auquel attenait une salle de bain.
    Là, tout ce que peut désirer une femme coquette en fait d’objets de toilette était réuni avec confort (un mot qui n’était pas encore en usage), avec élégance et profusion.
    M me  Leroyer, née d’Étioles, ayant dépassé la trentaine, soignait minutieusement sa beauté.
    – B… fit l’Auvergnate. C’est gentil ici, n’est-ce pas   ?
    – Oui, dit la baronne, regardant la baignoire de marbre. Mais maintenant, vite mon bain, madame Adolphe. Il me semblera que je vais me plonger dans l’eau de Jouvence, après avoir failli être noyée dans la Saône.
    – Mais je vous vengerai, s’écria l’Auvergnate, je vengerai ma maîtresse, je vengerai la reine   ; j’en tuerai tant que je pourrai des carmagnoles et des Jacobins.
    Et elle s’en alla en chantant à tue-tête et en dansant.
    L’hôtel résonna de son refrain   :
    Sautemouche sautera   !
    Les gardes nationaux adoptèrent aussitôt l’air et les paroles, et la baronne se dit   :
    – Ma prédiction se réalisera   ! Demain le refrain fera le tour de Lyon.
    Puis, avisant un petit secrétaire de boule dont la clef était sur la serrure, elle l’ouvrit, s’installa et écrivit au marquis de Tresmes.
    Elle lui conseillait de s’entendre avec l’abbé Roubiès pour provoquer de la part de Châlier une attaque contre la maison Leroyer, attaque qui serait repoussée et qui provoquerait une manifestation imposante de la garde nationale.
    Elle les engageait tous deux à préparer un accueil soigné à une procession qu’elle appelait le défilé des ivrognes.
    Enfin, elle envoyait comme thème à chansons burlesques, pour que le marquis exerçât sa verve, le refrain trouvé par l’Auvergnate sur Sautemouche.
    Elle manda le sergent, M. Suberville, et le pria d’expédier ses instructions par un homme sûr.
    Puis, restée seule, elle se regarda dans une glace, et, tout haut, se posa cette question   :
    – Qui vais-je aimer à Lyon   ?
    Elle n’était pas femme à ne faire que de la politique.
    Oh non   !
    Risquant sa tête, elle voulait occuper son cœur.
    Pendant que la baronne préparait à Sautemouche les honneurs de la chanson, pendant qu’elle prenait un bain et se demandait qui serait son amant à Lyon, Étienne remplissait consciencieusement ses devoirs d’officier.
    Il avait d’abord envoyé au magasin de la compagnie un fourrier chercher plusieurs uniformes complets, des équipements et un fifre.
    Il avait dit au fourrier que c’était pour habiller un tout jeune homme, presque un enfant.
    Ce soin pris, il avait harangué la compagnie et procédé à son installation dans la maison.
    Le sergent, M. Suberville, était un affilié de grade très supérieur à Étienne dans l’association des Compagnons de Jéhu.
    Mis au courant des décisions prises et du but à atteindre, il exerçait le véritable commandement.
    Par son ordre, les fenêtres furent

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