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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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et pénétrer son jeu.
    Ce qui prouve qu’Étienne était amoureux de la baronne, c’est qu’il avait complètement oublié Sautemouche, le pauvre Sautemouche qui dormait à poings fermés dans la cave, si une légère paralysie peut s’appeler sommeil.
    Ce qui semblerait prouver que, pour le moment, la baronne n’aimait pas Étienne, c’est qu’elle pensait à Sautemouche.
    À défaut de Jean qui partait avec ses maîtres, la baronne avait demandé un domestique sur qui elle pût compter   ; M me  Leroyer avait fait mieux que lui donner un laquais fidèle   : elle lui avait laissé une femme de confiance.
    En recevant cette fille des mains de M. Leroyer, fille d’un dévouement prouvé et éprouvé, la baronne avait été surprise d’être en défaut pour la première fois de sa vie sur le diagnostic à poser.
    Car, ce que la baronne cherchait surtout et d’abord à connaître, c’étaient les maladies morales d’une personne, puis ensuite, seulement ensuite, ses qualités pour connaître sa force de résistance contre ses vices.
    Or, Marie-Angélique Tournefort, dite M me  Adolphe, parut tout à fait extraordinaire à la baronne.
    Âge   ? Point d’âge. Pas un cheveu gris, mais une peau ridée. Soixante ans par la peau, si l’on voulait. Quarante ans par les cheveux.
    Le regard   ? Une flamme   ! M me  Adolphe était une Auvergnate aux yeux noirs, et quand les yeux des Auvergnats sont noirs, ils lancent des éclairs de passion.
    Était-elle passionnée, M me  Adolphe   ? Qui aurait osé le dire   ? Très dévote, M me  Adolphe   ! Mangeant le bon Dieu très souvent et n’engraissant pas pour ça, elle représentait assez fidèlement une planche habillée, avec poitrine plate, ventre plat, mains plates, pieds plats   ; les épaules étaient carrées, les hanches carrées.
    Aspect général, une guenon habillée.
    Signe particulier, de la barbe.
    Si M me  Leroyer n’avait pas présenté M me  Adolphe comme une femme qui lui avait donné mille preuves de fidélité, la baronne aurait hésité à se fier à ce monstre femelle.
    Mais, outre les affirmations de M me  Leroyer, la baronne réfléchit à ce phénomène souvent observé que les femmes laides se prennent volontiers d’amitié pour les jolies femmes qui leur montrent de l’affection et qui ont pour elles des égards.
    De là sa confiance subite.
    Elle appela donc M me  Adolphe et lui dit   :
    – Vous allez venir avec moi à la cave, voir ce que font ces ivrognes de Jacobins.
    M me  Adolphe, à cette déclaration, regarda la baronne d’un air si étrange que celle-ci en fut stupéfaite.
    La tête de M me  Adolphe avait pris expression de férocité démoniaque qui lui enlevait tout caractère humain.
    – Attendez, M me  la baronne, dit-elle avec un grand geste menaçant, attendez Je vais chercher le couperet à la cuisine.
    – Pour quoi faire, M me  Adolphe   ?
    – Mais on va les massacrer, n’est-ce pas, ces… cipaux, ces carmagnoles. Je ne veux en céder ma part à personne.
    – Voilà une vraie brute   ! pensa la baronne.
    Et en elle-même   : Ne décourageons point les vocations   : on peut se servir un jour des appétits sanguinaires de cette guenon du Cantal.
    – Madame Adolphe, dit-elle, votre idée a du bon.
    M me  Adolphe, enchantée d’être approuvée, se mit à faire mine de hacher une tête à l’aide d’un couperet imaginaire qu’elle semblait tenir à deux mains.
    – Pan   ! Pan   ! Pan   ! grondait-elle, les sons sortant de sa gorge, rauques comme les souffles d’un geindre.
    La baronne la calma et lui dit   :
    – Oui   ! oui   ! je vous comprends   ! ça vous ferait plaisir de leur couper le cou. Mais il ne s’agit pas de cela.
    – Pourquoi   ? demanda madame Adolphe désappointée.
    – Parce que ça ne rentre pas dans le plan arrêté.
    Et sans plus s’expliquer, la baronne ordonna d’un petit ton sec et péremptoire   :
    – Prenez de la lumière, les clefs de la cave et suivez-moi.
    M me  Adolphe obéit, mais elle maugréa entre ses dents   :
    – On les a pourtant sous la main ces brigands de… cipaux. Ils en ont assez fait du mal pour le payer maintenant   ! Ils venaient ici pour voler.
    La baronne apaisa ces grognements en disant   :
    – Ma bonne madame Adolphe, on épargne ceux-là pour mieux tromper les autres   ! Au jour du grand massacre, vous en tuerez à la douzaine.
    – Vrai   ? demanda la sauvage.
    – Je vous le jure   ! Et

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