La Bataillon de la Croix-Rousse
matelassées, des meurtrières furent percées, la maison fut mise en état de défense.
Les gardes nationaux étaient furieux, car on avait trouvé le décret sur Sautemouche et on le leur avait lu.
Il y avait eu une très vive explosion de colère.
Oh ! cet emprunt forcé ! Cette saignée à la caisse.
Louis Blanc et tous les historiens avec lui ont compris que c’était la vraie cause de la révolte.
Comme l’indique Lamartine :
« La bourgeoisie riche de Lyon se révolta quand on toucha à sa caisse. »
La première grande manifestation connue sous le nom de Défilé des Ivrognes ne réussit trop bien qu’à cause de l’irritation causée aux Lyonnais par l’emprunt forcé.
De là l’entrain de la compagnie mettant la maison Leroyer en défense.
Mais, pendant qu’Étienne tenait conseil de guerre avec M. Suberville, son sergent et les fortes têtes de sa compagnie, une charmante femme s’occupait de lui.
La baronne, qui avait pris son bain et s’était fait apporter les uniformes les avait essayés : elle en avait trouvé un qui lui allait fort bien.
Sûre d’être jolie sous celui-là, elle avait ôté veste et gilet et avait appelé M me Adolphe à laquelle elle avait dit d’un air impatient :
– Je ne sais pas me guêtrer ! Allez donc, je vous prie, chercher M. Étienne pour qu’il montre à son fifre comment se chausse un garde national.
M me Adolphe s’était précipitée à la recherche d’Étienne en se disant :
– Ça y est !
Madame Adolphe était venue chercher Étienne au grand salon, où siégeait l’état-major, le jeune homme avait suivi l’Auvergnate : une fois hors du salon, il demanda à celle-ci :
– Savez-vous ce qu’elle me veut la baronne, Madame Adolphe ?
– Elle veut, répondit l’autre, que vous l’habilliez, morbleu !
Étienne était sans doute habitué aux parbleu, morbleu et autres jurons de l’Auvergnate.
Il ne s’étonna donc point du morbleu, mais du mot habiller qui le précédait.
– Madame Adolphe, dit-il, vous avez mal compris. Il n’est pas probable que la baronne vous ait envoyée me chercher pour lui servir de valet de chambre.
– Est-ce que je suis sourde, par hasard, fit l’Auvergnate qui n’aimait point la contradiction. La baronne m’a dit :
« Madame Adolphe, je ne sais pas mettre ces guêtres, moi ! Vous ne vous y connaissez pas non plus. »
« Allez chercher M. Étienne, a dit la baronne, il m’aidera à mettre ces guêtres et à boutonner mon habit. »
Puis, le poing sur la hanche :
– Tu sais, mon petit, tâche de l’avoir ! C’est un morceau de roi, je ne te dis que ça : avec une si belle femme, pas de péché ! Un ours en mangerait ! Et puis, on se confesse et l’on fait pénitence. Elle est jolie, jolie, jolie !
– Madame Adolphe, dit Étienne, je n’ai pas besoin d’être excité, je suis déjà assez amoureux comme ça.
– Alors, fit-elle avec un regard ardent, profite de ce que je m’en irai chercher quelque chose, n’importe quoi. Sois hardi, mon petit.
– Ah, madame Adolphe, pour une femme dévote…
– Dévote… dévote… je le suis… après : parce qu’il faut bien payer ses fautes et retirer son pied de l’enfer, quand on l’y a mis.
Cette réflexion de madame Adolphe pouvait jeter un grand jour sur ses mœurs, si Étienne n’eût pas su à quoi s’en tenir depuis longtemps.
Il était loin d’ignorer que madame Adolphe gagnait de bons gages, qu’elle n’avait pas d’économies et il lui connaissait des cousins dans tous les régiments qui avaient tenu garnison à Lyon.
Lui sachant un grand amour pour la famille, côté des hommes, il supposait que les cousins dévoraient les économies de l’Auvergnate.
– Bien ! Bien ! madame Adolphe ! dit-il. C’est entendu ! Vous tâcherez de vous éclipser, je vous en serai reconnaissant.
On était arrivé.
Il frappa à la porte du boudoir où la jeune femme s’habillait.
– Entrez, dit-elle.
Le cœur d’Étienne battait à rompre. En ouvrant la porte, il vit la baronne si charmante et demi-vêtue, qu’il s’avoua qu’avec certaines femmes il y a toujours des surprises.
Il n’aurait pas cru que celle-ci pouvait gagner au déshabillé.
Quand il entra, elle n’avait que son pantalon d’uniforme et elle était « en bras de chemise ».
Sa gracieuse image se reflétait, sous tous les aspects, dans les glaces qui,
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