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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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tenez, madame Adolphe, vous aurez, si cela vous plaît, l’honneur d’expédier le citoyen Sautemouche qui a insulté votre maîtresse.
    La baronne se rappelait le massacre nécessaire dont l’abbé avait parlé au conseil.
    – Sautemouche   ! s’écria M me  Adolphe   ! Il me va, je me le réserve   ! Ah   ! le scélérat   ! Je lui mangerai les yeux   ! Mais quand est-ce   ? quand est-ce   ?
    – Avant la fin du mois, madame Adolphe. Et d’ici là, il y aura pour vous de l’agrément ici.
    On descendit à la cave.
    M me  Adolphe demanda   :
    – Mais qu’est-ce qu’on va faire en bas   ?
    – Il faut que ces dormeurs aient l’air d’avoir bu, dit la baronne. Nous allons les barbouiller de vin et de lie.
    – Bon, je m’en charge.
    Et M me  Adolphe, posant la lumière sur un tonneau, se mit à l’œuvre.
    La baronne la regardait à la besogne et notait ses traits de caractère.
    Décidément, M me  Adolphe était une vraie brute.
    Elle ne pouvait s’empêcher de maltraiter ces dormeurs, ou, si l’on veut, ces paralysés.
    Avant de répandre un broc de vin sur la figure de l’un, elle le souffletait   : elle prenait un autre à là gorge, et la baronne intervenait pour l’empêcher d’étrangler ce malheureux   ; mais la marque des ongles restait incrustée dans les chairs.
    Sur Sautemouche, elle se mit à danser, se servant du ventre comme d’un tremplin, en criant   :
    – Saute… Saute… Saute… mouche… mouche… mouche.
    Si elle n’avait pas été si maigre, elle eût crevé la panse du… cipal, comme elle disait élégamment.
    La baronne, tout en riant, car c’était un spectacle grotesque de voir cette guenon se trémousser ainsi, la baronne, qui ne voulait pas que Sautemouche mourut, fit cesser ce jeu cruel.
    M me  Adolphe termina sa besogne en prouvant qu’elle avait dans la cervelle beaucoup de fantaisies étranges pour une dévote.
    Elle déculotta un carmagnole et le courba le dos en l’air   ; puis elle lui administra le fouet avec sa chaussure, qu’elle retira.
    Elle disait des choses singulières.
    – Oh   ! si je m’écoutais, s’écriait-elle, si je me laissais aller à mon penchant, je les chaponnerais tous. Ça leur apprendrait à vouloir marier ces pauvres curés.
    À la baronne   :
    – Tenez, allons-nous en   ! Ça me tente trop, et tout à l’heure je ne pourrais plus me retenir.
    – Laissez couler une barrique de vin à terre, dit la baronne, et tout sera pour le mieux.
    M me  Adolphe s’empressa de tourner le robinet d’une pièce qui était en vidange, et elle dit   :
    – C’est fait   ! Mais celui-là qui a le nez collé contre la terre pourra bien se noyer.
    – Oh   ! tant pis… dit la baronne. Ce sera sa faute. Il n’avait qu’à ne pas boire ou à tomber pile au lieu de face.
    – Puisqu’il y a une chance pour que celui-là se noie, je vais en retourner un autre, ça fera la paire   ! dit M me  Adolphe.
    – C’est assez d’un, dit la baronne, que les regards de l’Auvergnate commençaient à inquiéter.
    Et toutes deux se hâtèrent de remonter car le vin qui coulait les gagnait déjà.
    Arrivée au rez-de-chaussée, la baronne demanda à M me  Adolphe   :
    – M me  Leroyer doit avoir un boudoir et une salle de bain   ?
    – Oui, madame la baronne, répondit l’Auvergnate.
    – Étiez-vous sa femme de chambre   ?
    – Non, j’étais sa femme de confiance, mais je sais habiller, coiffer et j’ai servi de femme de chambre dans de bonnes maisons.
    – Vous sauriez donc, chère madame Adolphe, me préparer un bain   ?
    – Oh   ! certainement   ! Un bain de reine   ! Nous avons la recette de l’eau parfumée que l’on répandait dans la baignoire de marbre du Petit-Trianon pour cette pauvre reine Marie-Antoinette, à laquelle ces scélérats de Jacobins veulent couper le cou.
    Et, au souvenir des dangers que courait la reine, saisie tout à coup par son idée fixe, elle se mit à trépigner et à chanter sur un air de bourrée   :
    Pour les autres, il paiera
    Sautemouche sautera.
    On le recommande au prône
    Pour le jeter dans le Rhône.
    Et les poings fermés   :
    – Oui, je vengerai la reine sur ce brigand-là.
    Reprenant son refrain, elle chanta encore   :
    Sautemouche sautera   !
    La baronne observait la sauvage qui semblait atteinte du delirium tremens, tant ses jambes se trémoussaient et tant ses yeux roulaient tout blancs sous les paupières dilatées.
    – Dieu me

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