La Bataillon de la Croix-Rousse
inventa des légendes.
On profita de l’indignation causée par les répressions féroces de Collot-d’Herbois, de Dubois-Crancé et de Fouché, pour calomnier Couthon, qui, sur l’ordre de Robespierre, voulut épargner la ville : il en avait pourtant été chassé comme trop modéré par les Hébertistes qui mirent la pioche aux monuments et qui employèrent le canon contre les prisonniers, la guillotine étant trop lente.
Les royalistes ont confondu de parti-pris tous les partis républicains et tous leurs hommes.
Et malheureusement les historiens républicains n’ont pas toujours pu faire la lumière au milieu des obscurités accumulées avec le savant génie qui caractérise les Baziles.
Tous les écrivains sont d’accord pour avouer l’orgie et la violence qui sont censées avoir présidé à la levée de l’emprunt forcé, violences dont Châlier est responsable devant l’histoire.
Violences, oui !
Les riches refusaient de payer.
Orgie, non !
L’accusation n’a pour base qu’un seul fait : celui qui se passa chez M. Leroyer et que nous avons raconté et qui fut exploité avec un rare talent par les royalistes.
Quant à une mise en scène organisée par l’abbé Roubiès, l’affaire Sautemouche, comme nous le verrons, fit dans Lyon, même sur les vrais républicains, une impression profonde et défavorable.
Pourtant…
Nous avons raconté comment les choses s’étaient passées dans le salon de M me Leroyer et dans les caves de son mari.
Disons maintenant comment les royalistes surent tirer parti de l’aventure.
Ils spéculèrent sur le caractère irascible de Châlier, le chef des Jacobins, l’âme du mouvement révolutionnaire.
Châlier, qui joue un très grand rôle dans l’histoire de Lyon et qui fut le martyr de la réaction en juin 1793, était un étranger qui avait conquis une situation prépondérante dans la ville.
Châlier était de petite taille. Il avait le teint bilieux, la démarche convulsive. Né en Piémont, l’extrême vivacité de son geste exagérait jusqu’à la pantomime italienne.
L’éducation religieuse qu’il avait reçue au séminaire et son tempérament expliquent son exaltation dont les écrivains du temps nous ont décrit le caractère étrange.
Mais Louis Blanc y oppose le trait suivant :
– Et, dit le célèbre historien, aux approches du soir, l’énergumène s’en allait arroser le petit jardin d’un ami, dont le pavillon était à deux pas de la ville ; là, tout le ravissait en extase ; la moindre fleur, une feuille, un brin d’herbe ; il croyait posséder un vaste champ, habiter un désert lointain.
Châlier était une nature pleine de contrastes.
– Quelle secousse ne dut pas imprimer à une nature de cette trempe la Révolution Française ! s’écrie Louis Blanc. Sans l’attendre, il avait parcouru, en pèlerin de la liberté Naples, l’Espagne, le Portugal. Repoussé de partout, le soleil de 89 se lève, et voilà Châlier à Paris, frappant à la porte de Louslalot. Qui êtes-vous ? Un ami des hommes. Soyez le bienvenu. Ils s’entretinrent des maux qui affligeaient la famille humaine. Soudain Châlier tombe dans une noire rêverie : il rappelle le poignard de Caton. Mais Louslalot, sévèrement : « Est-ce que ta tâche est finie ! Il faut être utile, il faut vivre ».
Cet encouragement de Louslalot et les exhortations des Jacobins qu’il fréquenta et dont il reçut mission de républicaniser Lyon, relevèrent le courage de Châlier.
« Et il était retourné à Lyon, emportant l’amitié de Robespierre, dit Louis Blanc, et de plusieurs autres personnages politiques très-influents, ce qui lui donna à Lyon l’autorité morale sur le parti Jacobin.
« Là, il prêcha la république et la Révolution, avec emportement, avec chaleur, s’élevant jusqu’aux plus sublimes hauteurs de l’éloquence, tombant quelquefois dans le trivial, mais toujours original par la forme.
« Il annonçait au peuple qu’il était lui-même son roi et qu’il fallait faire mépris de la richesse et des riches.
« Il s’écriait à la tribune de son club :
« – Un assignat vous éblouit ; peut-il compenser une goutte de votre sang auguste ? Ne sentez-vous pas la souveraineté qui circule dans vos veines ? Sachez, ah ! Sachez que vous êtes des rois.
« Tantôt il mêlait le rire à la menace ; tantôt il trouvait des accents d’une douceur infinie. Lors de
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