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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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l’irruption du Club Central, la femme du concierge s’écriait en pleurant   : “On veut faire mourir de chagrin ce saint homme, le bon Châlier, l’ami des pauvres… Je l’entends tous les jours. Il prêche l’Évangile… et je connais sa bienfaisance.”
    « Il était bon, en effet, avec les humbles, désintéressé, généreux. S’il fut digne d’être aimé de ceux qui connurent sa vie intérieure, c’est ce dont témoignent de reste et l’affection courageuse que lui garda jusqu’à la fin sa gouvernante, et le dévouement absolu de ses disciples.
    « Quels furent ses crimes   : rien que des paroles. Il en prononça de sanglantes, en effet, mais à l’adresse d’adversaires dont le langage n’était pas moins effréné que le sien. Tremblez, lisait-on dans une brochure royaliste, publiée à Lyon, contre les Jacobins, tremblez, brigands   ! Souvenez-vous que les assassins de Charles Stuart sont tombés sous les coups des vrais Anglais   : le même sort vous attend. C’était le ton de l’époque.
    « En ce qui touche la guillotine, la seule différence entre Châlier et ses ennemis, fut qu’il se contenta d’en parler et qu’eux la dressèrent, justifiant de la sorte ce mot de Bazire   : “Ceux qui disent de couper les têtes ne sont pas ceux qui les coupent.”
    « Jamais la tendresse et la fureur ne se disputèrent une âme avec plus d’acharnement. Jamais homme ne montra plus étroitement confondus en lui le miséricordieux ami des damnés de ce monde, le tribun en délire, la sage, le bouffon, l’énergumène, le martyr. Pour donner une idée du cerveau de ce pauvre malade, il faudrait pouvoir peindre le chaos à la lueur des éclairs. Il eut des colères frénétiques, mais qui ressemblaient au désespoir de l’amour. Il est certain qu’il aimait le peuple   : comme une mère aime son enfant, du fond des entrailles. Destiné d’abord à l’état ecclésiastique, puis professeur d’Espagnol et d’Italien, il y acquit de la fortune, et n’en servit qu’avec plus de violence la cause de la misère. »
    – Louis Blanc.
    Voilà ce monstre de Châlier. Monstre oui, mais monstre par amour ardent d’un idéal de bonheur pour l’humanité.
    Ce sur quoi comptaient les royalistes arriva.
    Châlier s’enflamma de fureur à l’idée que l’on avait enivré Sautemouche.
    – C’est un piège de ces infâmes royalistes, s’écria-t-il, flairant la vérité.
    Mais il ne la soupçonnait pas tout entière.
    – Ils l’ont fait boire, dit-il. Ils auront mêlé de l’eau-de-vie à son vin, mais ils me paieront leur perfidie.
    Et sur-le-champ il prit des mesures énergiques.
    Mais sa fureur devint une sorte de démence, quand il eut interrogé les carmagnoles ramassées dans les rues et quand la Ficelle lui eut dit la vérité.
    Châlier vit rouge, et, pareil au taureau furieux, il courut tête basse où l’appelaient ses ennemis.
    Malheureusement pour lui, Châlier qui était un homme de pensée, disons même le vrai mot, utopiste, n’avait qu’une seule des qualités nécessaires à l’homme d’action   : un courage incontestable.
    Mais il ne savait pas calculer un effort, juger d’une résistance, apprécier une situation au point de vue de la lutte armée.
    Il se jetait tête basse dans une entreprise, comptant sur le concours du peuple qui lui manquait souvent, faute de n’avoir point su le préparer, ou qui arrivait trop tard faute d’une bonne direction.
    Ses adversaires, autrement habiles, avaient déjà dressé un plan utilitaire   ; ils en avaient assuré la minutieuse exécution.
    L’abbé Roubiès avait déjà convoqué son conseil et l’on avait résolu de profiter de l’inévitable attaque que ferait Châlier contre la maison Leroyer pour lui infliger une défaite humiliante.
    – Il faut qu’il passe, avec ses Carmagnoles sous les Fourches-Caudines, avait dit l’abbé.
    Et toute la mise en scène avait été réglée point par point.
    Châlier, fort du décret rendu, qui mettait entre ses mains un pouvoir discrétionnaire, ne crut pas que l’on oserait lui interdire l’entrée de la maison Leroyer.
    De là, une imprudence. Il ne prit avec lui que deux cents hommes, et non deux mille, comme l’ont affirmé ses ennemis, jouant sur le mot bataillon et disant qu’il en avait emmené deux avec lui.
    C’était vrai, mais ces bataillons Carmagnoles en formation étaient incomplets de plus, une partie de l’effectif manquait, se reposant à

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