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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Midi, lui offrait une fortune.
    – Elle a refusé   ! Bravo   !
    Le père Rateau leva la tête et dit sévèrement   :
    – J’espère bien, citoyen Saint-Giles, que tu ne vas pas galantiser avec cette enfant-là   !
    – Dis-donc, père Rateau, s’écria Saint-Giles avec une belle indignation, est-ce que tu me prends pour un muscadin   ?
    Le père Rateau cachant la raillerie sous un air bonhomme, riposta   :
    – Muscadin   ! muscadin   ! Mais oui, muscadin   ! Tu en as le costume du moins. Jamais je ne t’ai vu si frais, si pimpant, si coquet. Tu t’es habillé comme pour aller en bonne fortune. Ce n’est pas pour le fifre, je suppose, que tu as fait tant de frais.
    Saint-Giles se mordit les lèvres.
    On avait marché.
    Le père Rateau, arrivé devant la porte de la chambre au linge, leva le bras et dit   :
    – Halte   ! c’est là   !
    Il frappa discrètement.
    – Entrez   ! cria une jolie voix très agréablement timbrée.
    Alors Rateau, pareil à l’ange gardien de la petite baronne, prit un air imposant, gonfla son ventre et ses joues, fit un geste solennel et dit   :
    – Citoyen, quelles que soient les intentions séductrices que tu as pu avoir en venant ici, il faut me jurer de respecter cette enfant.
    – Mais père Rateau, tu assisteras à l’entretien, je suppose.
    – Oh, voilà, dit le bonhomme en se grattant l’oreille, je ne peux pas   : je n’ai pas le temps. J’ai un repas de trente-trois couverts et mes fourneaux m’appellent   ; il me semble que je les entends d’ici   ! Manquer mes entrées, ce serait me déshonorer.
    Prenant la main de Saint-Giles, il lui dit avec effusion   :
    – Mais tu es un honnête homme, je te la confie et n’abuse pas de ma confiance.
    Saint-Giles ne savait trop quelle contenance tenir devant ce bonhomme.
    Il trouvait cette scène ridicule, ces recommandations saugrenues et le père Rateau bourgeois en diable.
    Cela fit tort à la jeune fille dans son esprit.
    « Je vais voir quelque prétentieuse sainte-n’y-touche   ! » pensa-t-il.
    Rateau ouvrit enfin la porte du sanctuaire et il annonça à voix haute, mais attendrie   :
    – Marie, ton sauveur, ma chère enfant.
    Si Saint-Giles avait pu envoyer le père Rateau à tous les diables, il l’eût fait.
    « Cette vieille ganache me rend mon rôle intenable   ! » se dit-il. En voilà une entrée burlesque.
    Mais Rateau mit le comble à son manque de tact en prenant par la main la jeune fille émue et en lui disant d’un ton paterne   :
    – Embrasse-le, ma fille   ! Il mérite bien ça   ! Devant moi cela n’a pas d’inconvénients   ! Mais après, qu’on soit sage   !
    La jeune fille rougissante, du moins Saint-Giles crût-il la voir pourpre, obéit et présenta son front.
    Saint-Giles y déposa un chaste baiser en se tenant à quatre pour ne pas étrangler le père Rateau.
    – C’est insensé   ! pensait-il.
    Mais le comble fut que le père Rateau dit à la petite baronne d’un air sérieux   :
    – Tu sais, prends garde, mon enfant. Il a mis un gilet irrésistible et une cravate d’incroyable. Je lui ai recommandé d’être sage et d’abandonner ses projets…
    – Mes projets   ! s’écria Saint-Giles outré. Je n’ai pas de projets   !
    – Heuh   ! heuh   ! fit le père Rateau, pas d’arrière-pensées avec un habit pareil dont les basques balaient mes tapis…
    Sur cette observation, qui déplut fort à Saint-Giles, il se réclama de ses fourneaux, et, en partant, il dit à la petite baronne   :
    – Songe que ton père, ma mignonne, ne voulait pas te laisser venir travailler ici et que je lui réponds de toi. Du reste, je m’en vais tranquille   ; tu es une Lucrèce pour la vertu   !
    Et il ferma la porte derrière lui.
    – Oh   ! mademoiselle, s’écria Saint-Giles exaspéré contre le cabaretier, j’espère bien que vous ne me jugez pas sur les sottises que vient de débiter le père Rateau. J’en serais désespéré.
    Saint-Giles aurait été bien plus furieux s’il avait vu le père Rateau rire en se frottant les mains dans le couloir   : s’il l’avait entendu murmurer entre ses dents   : « Et maintenant, vas-y, mon bonhomme   ! mon rôle de père noble est fini. Fais le jeune premier maintenant ».
    Si Saint-Giles avait aperçu le regard brillant dont le bonhomme accompagnait sa réflexion, il ne l’eût point jugé si sot. Mais il n’eut pas le temps de réfléchir.
    – Monsieur, dit la petite

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