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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Laissez-moi donc vous le dire. Je mettrais ma fierté, mon honneur à ne pas accepter un rôle honteux.
    – Honteux   !… Je ne comprends pas.
    – Honteux, certes. Savez-vous comment elle m’aimerait, cette grande dame   ? Elle m’aimerait comme le laquais de son cœur.
    – Oh non dit-elle, manquant de se trahir.
    – Mais si, fit-il. J’en ai fait l’expérience.
    – Vous   !
    – Moi. Très jeune, j’ai été l’amant d’une dame à particule très connue à Lyon pour l’audace avec laquelle elle affriolait ses amants.
    – Madame de…
    – Inutile de citer son nom. Eh bien   ! Je suis le seul avec lequel elle n’ait pas fait le tour de la place Bellecour, bravant l’opinion publique. Savez-vous pourquoi   ? Parce que je n’étais pas noble, parce que je n’étais qu’un petit dessinateur sur soie qu’elle avait remarqué, mais n’avouait point.
    – Aujourd’hui, elle n’hésiterait plus.
    – Oui, mais aujourd’hui que je suis hors de pair, que j’ai conquis la renommée, que je me suis donné une noblesse par l’art, je serai fidèle au serment que je me suis fait en rompant avec cette maîtresse qui avait honte de moi.
    – Vous avez fait un serment   ?
    – Oui, celui de n’être jamais l’amant d’une grande dame. J’ai la rancœur de mes déboires d’autrefois.
    – Mais si elle vous proposait la promenade sur la place Bellecour que l’autre vous refusait   ?
    – Oh, n’importe   ! Il lui resterait malgré elle, après cet effort, d’autres exigences, d’autres prétentions. Je me souviendrai toujours de ces princesses du sang, mariées à de simples gentilshommes, dont Saint-Simon raconte la vie de ménage. Le mari, à chaque repas, présentait la serviette, et ne s’asseyait à table que sur l’invitation de Madame. Moi je ne supporterais point un pareil affront. Les nobles imbus d’idées hiérarchiques trouvent cela fort naturel.
    Et avec feu   :
    – Voyez-vous, dit-il, une fille élevée dans les principes monarchiques, une noble sera toujours, quoi qu’elle fasse, pétrie de préjugés. Elle souffrira ou fera souffrir son amant roturier.
    La baronne dit avec conviction   :
    – C’est peut-être vrai.
    Elle savait ce qu’elle voulait savoir.
    – Monsieur, dit-elle, avouez que nous venons d’avoir une singulière conversation, nous avons parlé amant, maîtresse, mariage, si M. Rateau nous avait entendus…
    Et elle avait imperceptiblement agité un cordon de sonnette qui correspondait au berceau du cabaret.
    – Heureusement, dit Saint-Giles, le père Rateau est à ses fourneaux.
    – Il est un peu trivial parfois, dit la baronne, mais si bon   !… Si vous saviez…
    Et pour amuser le tapis, elle raconta des traits de charité du cabaretier.
    Elle fut interrompue par un coup frappé à la porte.
    Et une voix cria du dehors   :
    – J’espère qu’on peut entrer   !
    On ne pouvait être plus maladroit.
    La porte s’ouvrit, le père Rateau parut, jeta un rapide coup d’œil sur les deux jeunes gens et s’écria   :
    – À la bonne heure, pas un ruban chiffonné   ! Sages comme des images   ! je m’y attendais. Vous êtes de braves enfants   ! Mais c’est assez causé   ! Ma petite baronne, vite, en voiture. J’ai fait atteler la grise. Ta mère a ses crises   ! Son estomac se noue. Ce n’est rien. Elle a ça tous les quinze jours   ! mais enfin elle te réclame.
    – Oh   ! maman   ! s’écria la baronne jouant l’émotion. Si vous saviez comme elle souffre, M. Saint-Giles   ! Une martyre   ! Adieu, merci encore de tout cœur   !
    Elle s’esquiva comme une Sylphe.
    Le père Rateau, les deux mains sur son ventre, s’écria   :
    – Un ange   !
    L’ange s’envolait.

Mauvaise mère
    Les crises révolutionnaires ressemblent à des tourbillons.
    Elles enveloppent, elles enlacent, elles étreignent et entraînent dans leurs évolutions vertigineuses.
    Les cycles révolutionnaires sont régis par les mêmes lois que les cyclones   : le centre va, se déplaçant toujours, et toujours il attire à lui tout, tous et toutes.
    L’avant-veille, le centre révolutionnaire de Lyon était la maison Leroyer   ; ce soir-là, c’était le comité central.
    Saint-Giles lui-même, qui avait voulu se soustraire à ce foyer d’attraction, se trouvait rejeté vers lui, et la pâle figure de sœur Adrienne allait lui apparaître et le fasciner.
    Tout devait contribuer à rendre émouvante la soirée où

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