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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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Châlier allait faire sa rentrée, impatiemment attendue de ses partisans comme de ses ennemis   : de même que sœur Adrienne était aussi et non moins impatiemment attendue par les Compagnons de Jéhu, présents à la séance et mis dans le secret.
    Mais sœur Adrienne ne pouvait manquer de venir.
    En effet, l’abbé Roubiès avait décidé que Châlier serait tué par elle ce soir-là même.
    Dans la matinée, il s’était rendu au couvent des Brotteaux pour y prévenir la supérieure d’avoir à conduire sœur Adrienne à la séance.
    Une fois seul avec la supérieure, celle-ci l’avait embrassé et avait demandé   :
    – Est-ce pour aujourd’hui, enfin   ? Sœur Adrienne s’impatiente. Elle est dans un état d’excitation effrayant. Par moments j’ai peur pour sa raison.
    – Ma mère, dit l’abbé, c’est pour ce soir… Les Jacobins auront leur martyr et nous le nôtre.
    – Comment, le nôtre   ?
    – Mais, oui… sœur Adrienne ne sortira pas vivante du Club.
    – Oh mon Dieu   !… s’écria la supérieure, ils la tueront donc   ?
    – Oui, c’est probable   ; s’ils hésitaient, d’autres porteraient les premiers coups.
    – Comment   ? des hommes à nous.
    – Sans doute, dit-il froidement.
    Et, sans se préoccuper de la stupeur de sa mère, il continua à lui donner ses instructions.
    – Châlier, dit-il, va prononcer un discours effrayant contre la religion   ; il le prépare. On l’a entendu ce matin en réciter des fragments. J’ai reçu des notes à ce sujet, et je puis me figurer ce que sera ce document. Il l’a écrit, et nous aurons le manuscrit, de même que le compte-rendu par les logographes (on ne disait pas encore sténographes)   ; nous publierons cette épouvantable attaque contre l’Église après le meurtre qui se trouvera justifié aux yeux de Lyon, où la majorité de la ville est encore chrétienne, heureusement. On approuvera le coup de poignard contre un pareil énergumène   ; du reste, sœur Adrienne étant morte, aucun procès n’étant possible, l’auréole du sacrifice, poétisant notre ange de l’assassinat, toute cette affaire tournera pour le mieux.
    – Ne pourrait-on pas épargner cette pauvre Adrienne qui est si intéressante   ? demanda la supérieure.
    – Non   ! répondit froidement l’abbé   : il faut qu’elle meure pour les besoins de la cause.
    L’abbé Roubiès n’était pas homme à faire de grandes phrases creuses pour prouver qu’il avait raison   ; il connaissait sa mère et il comprit qu’elle serait lente à admettre la raison d’État   ; il attaqua une autre corde   :
    – Ma mère, dit-il, je pourrais vous prouver que quand on sacrifie cent mille hommes au rétablissement d’un roi et d’une religion, il est puéril de regarder à la vie d’une femme, celle-ci fût-elle aussi intéressante que sœur Adrienne   ; mais cette idée générale vous convaincrait difficilement   : j’ai des considérations qui vous sont personnelles à vous faire valoir.
    Laissant donc cet argument, l’abbé en prit un autre   :
    – Vous souvient-il, ma mère, demanda-t-il, qu’un jour (J’avais vingt-cinq ans) je vins vous supplier de quitter la vie mondaine   ?
    – Oui, dit-elle en rougissant.
    Il n’eut point l’air d’y prendre garde et demanda encore   :
    – Vous rappelez-vous que vous avez hésité, ma mère   ?
    – À mon âge, c’était permis.
    – Mais je vous fis une promesse pour vous décider.
    – Oui, tu m’as montré une des plus riches abbayes en perspective.
    – Et je vous ai juré que vous l’auriez   ; vous l’aurez comme j’aurai l’archevêché de Lyon.
    – Dieu t’entende, mon fils.
    – Dieu m’entendra, ma mère, dit l’abbé en souriant, car j’ai des moyens sûrs de me faire écouter du Pape, son vicaire spirituel, et du roi, son représentant temporel sur cette terre. Il est assez d’usage, après une Restauration, d’oublier les services rendus   ; mais, moi, j’ai pris mes précautions.
    Avec un sourire ironique   :
    – J’ai fait mettre en lieu sûr, en Amérique, des pièces si compromettantes, que leur divulgation aurait des conséquences extrêmement graves pour le Saint-Père et pour le régent de France   ; aussi, ma mère, croyez-le bien, j’aurai d’emblée mon archevêché. Et vous, si les Jacobins nous débarrassent de sœur Adrienne, vous aurez votre abbaye.
    – Mais je ne vois pas qu’Adrienne…
    – Vous ne voyez pas

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