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La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
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une partialité visible, n’en a pas moins tracé de lui un portrait qui grandit singulièrement le tribun, malgré le désir évident de le stigmatiser.
    Il écrivait des lettres dont les mouvements biaisés et incohérents affectent les soubresauts, les inspirations des oracles bibliques.
    « Si j’étais Dieu, écrivait-il, je remuerais les montagnes, les étoiles, les empires, je renverserais la nature pour la renouveler. »
    La destinée de Châlier, avortée dans le bien comme dans le crime, était toute dans ces premiers jets de son âme. La folie n’est que l’avortement d’une pensée forte mais impuissante parce qu’elle n’a pas été conçue et gouvernée par la raison.
    Il avait fondé à Lyon le Club central, foyer ardent entretenu de son souffle et agité nuit et jour de sa parole.
    Ses discours, tour à tour bouffons et mystiques frappèrent le peuple. Rien n’était raisonné, tout était lyrique dans son éloquence. Son idéal était évidemment le rôle de ces faux prophètes d’Israël, serviteurs de Jéhovah et égorgeurs d’hommes.
    Après avoir lu ce portrait de Châlier par un grand poète, on peut se figurer l’orateur, son éloquence passionnée, la fascination qu’il exerçait et la toute puissance de sa parole que sœur Adrienne allait entendre.
    Adrienne avait, en quelque sorte, reçu une préparation spirituelle qui la prédisposait à être plus sensible que personne à cette parole entraînante de Châlier.
    Châlier avait une haute et vaste intelligence, un idéal merveilleux des destinées humaines, une chaleur de persuasion puisée dans un immense amour du peuple et le coup de fouet de la honte subie.
    Il eut l’occasion de débuter par un exorde dont la baronne lui fournit le thème.
    Elle était femme et jalouse, aveuglément jalouse par échappées, jalouse à risquer sa tête.
    Certes, reconnue ce soir-là, elle aurait été défendue   : mais quelle imprudence à elle de faire engager pour elle un combat prématuré   !
    Qui sait même si l’abbé Roubiès ne l’eût pas sacrifiée   ?
    Aurait-il donné le signal d’une lutte pour l’arracher aux mains des Jacobins, si leurs, carmagnoles l’avaient arrêtée   ?
    Toujours est-il que depuis l’arrivée de Saint-Giles, la baronne évidemment le surveillait et trouvait très mauvais qu’il s’occupât de sœur Adrienne au point de faire son portrait.
    Au moment où Châlier montait à la tribune, à l’instant même où il allait parler, Saint-Giles crayonnait encore, crayonnait toujours.
    Il semblait fasciné par la beauté superbe de sœur Adrienne que la baronne devinait très bien sous l’émaciement des traits.
    N’y tenant plus, elle se rapprocha de Saint-Giles, ne prévoyant pas elle-même ce qu’elle allait faire, mais allant à lui invinciblement, poussée par la jalousie.
    Elle se glissait comme son métier de vendeur lui en donnait le droit d’usage entre les rangées des bancs.
    Arrivée derrière Saint-Giles, elle regarda le croquis et elle éprouva un mouvement de colère   ; l’artiste avait reproduit sœur Adrienne, non telle qu’elle était, mais telle qu’il la voyait avec l’illumination du talent.
    La baronne ne put comprimer un mouvement nerveux que toutes les femmes comprendront, et elle pinça Saint-Giles jusqu’au sang.
    Il poussa un cri, se retourna vivement et l’on entendit le bruit d’une claque sur la joue de la baronne.
    La salle entière protesta.
    Saint-Giles n’était pas homme à rester sous le coup d’une réprobation imméritée, sans protester courageusement.
    Il se leva et cria d’une voix tonnante   :
    – Citoyens, vous ne pouvez pas me blâmer sans m’entendre.
    Les royalistes qui n’aimaient pas beaucoup Saint-Giles, auraient volontiers continué à crier, mais sa parole vibrante dominait tous les bruits.
    Puis la curiosité tenait tout le monde et chacun voulait savoir la raison du soufflet donné.
    Saint-Giles reprit   :
    – J’ai donné à ce gamin une gifle un peu forte peut-être, mais je me suis laissé emporter par un mouvement de colère bien légitime.
    « Ce crieur de journaux m’a pincé bêtement, sans motif et jusqu’au sang. »
    Il y eut un moment d’étonnement, mais la baronne sur laquelle tous les yeux étaient fixés, avait abaissé sur son front son bonnet phrygien   ; elle répondit en imitant les hoquets d’un galopin qui sanglote.
    – Je l’ai pincé, parce que… il… il… n’écoutait pas le… le…

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