La Bataillon de la Croix-Rousse
partisans, de noter de mort ses ennemis. Châlier publia ces tables de proscription sous le titre de « Boussole des patriotes ».
« Aux armes ! aux armes s’écriait-il en parcourant les rues à la tête de ses Jacobins.
« Vos ennemis ont juré d’égorger jusqu’à vos enfants à la mamelle. Hâtez-vous de les vaincre ou ensevelissez-vous sous les ruines de la ville.
« Lamartine »
Mais les Girondins ne restèrent pas inactifs et ils en appelèrent aux représentants en mission de l’armée des Alpes à la Convention. Or le parti girondin qui avait encore la majorité, se sentait pourtant très ébranlé, car l’émeute le menaçait déjà à Paris et, sous la pression de la volonté populaire, les Girondins allaient être renversés du pouvoir le 31 mai et guillotinés ensuite. Mais ils étaient encore debout, et ils entendaient les menaces de Châlier contre leurs frères de Lyon. L’écho en arrivait à Paris.
– Ces cris féroces, dit Lamartine, retentirent jusque dans la Convention, soulevèrent le parti modéré à la voix de la Gironde et arrachèrent un décret qui autorisait les citoyens de Lyon à repousser la force par la force.
– Croyez-vous, dit Châlier à la réception de ce décret, croyez-vous que ce décret m’intimide ?
– Non. Il se lèvera avec moi assez de peuple pour poignarder vingt mille citoyens, et c’est moi qui me réserve de vous enfoncer le couteau dans la gorge.
Les choses en étaient là : la lutte était imminente. Pour la commencer, les Jacobins n’attendaient que l’arrivée des représentants en mission et de leurs soldats.
Ces représentants connaissaient l’état de Paris et la situation des Girondins prêts à sombrer.
Les quatre représentants en mission à l’armée des Alpes étaient des Jacobins ; ils ne voulaient tenir aucun compte du décret de la Convention permettant aux Lyonnais la résistance contre les réquisitions.
Ce décret arraché à la Convention par la majorité girondine devait être annulé sous quelques jours par la chute de ce parti. Ils n’hésitèrent donc pas à agir.
– Le 20 mai, dit Louis Blanc, Dubois-Crancé, Albitte, Nioche et Gauthier étaient à Chambéry, lorsque tout-à-coup leur arrivent de Lyon deux dépêches, l’une annonçant le pillage d’un magasin de beurre fondu, malgré la présence des officiers municipaux et la réquisition de la force armée ; l’autre parlant de l’imminence d’une contre-révolution. Sur-le-champ, ils décident que deux d’entre eux se rendront à Lyon et qu’on y fera passer des troupes avec un adjudant-général pour les commander. Le 27, dans la soirée, Nioche et Gauthier entraient à Lyon. Là, ils apprennent que l’émeute populaire, au sujet d’un accaparement de beurre est dissipée, mais que les sections où la bourgeoisie domine ont voulu se mettre en permanence, que le Directoire du département les y autorise ; que la municipalité s’y oppose ; que Lyon est à la veille d’un combat.
Tel est, d’après Louis Blanc et Lamartine, l’exposé historique de la situation, l’avant-veille de la bataille, c’est-à-dire le 27 mai 1793, au moment où Saint-Giles rentrait à Lyon par la même porte que les représentants du peuple, un peu derrière eux.
Saint-Giles, renseigné, comprit toute la portée du mouvement.
Il garda la voiture louée au lieu de la laisser aux portes, promettant au paysan de la lui renvoyer le soir même.
Cette entrée des représentants à Lyon inaugurait l’ère des luttes sanglantes et Saint-Giles comprit que son devoir de Jacobin était de s’engager dans les bandes de carmagnoles et de courir au danger le plus pressant : c’était Lyon soulevé qu’il fallait soumettre.
Il pressa le pas du cheval au milieu des flots mouvants de l’agitation populaire et des groupes commentant la nouvelle du jour.
Adrienne avait entendu les réponses des citoyens questionnés par Saint-Giles ; elle n’avait pu en calculer la portée.
– Qu’y a-t-il donc ? demanda-t-elle.
– Les représentants arrivent avec de la troupe, dit Saint-Giles ; on va commencer la lutte. Je croyais me battre aux frontières contre des étrangers et je vais me battre dans les rues de Lyon contre mes frères.
– Vous battre ! Vous n’êtes pas soldat ! dit Adrienne pâle tout à coup et tremblante.
– Je ne suis pas encore soldat, mais je suis patriote.
On la vit trembler, devenir plus blanche
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