Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

La Bataillon de la Croix-Rousse

Titel: La Bataillon de la Croix-Rousse Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Louis Noir
Vom Netzwerk:
jeune fille, elle la mit dans celle de son fils.
    Adrienne tendit son front à Saint-Giles, qui y mit un baiser.
    Elle pleurait.
    – Ma chère Adrienne, dit-il, consolez-vous. La France lève quatorze cent mille hommes dont la moitié au moins laissent des femmes ou des fiancées derrière eux. Beaucoup reviendront, je serai probablement de ceux-là. La mort respecte toujours ceux qui ont quelque chose à dire ou à faire. J’ai à produire des chefs-d’œuvre que je sens bouillonner dans ma tête.
    Adrienne essaya en vain de dompter son émotion.
    – Ma fille, dit M me  Saint-Giles, réprimez vos pleurs   : il ne faut pas amollir le courage des hommes.
    À son fils   :
    – Au revoir, Saint-Giles. Dans la bataille, souviens-toi de l’injure faite à ton père et songe qu’il te regarde du fond du tombeau.
    – Ma mère, dit-il, je me regarderai moi-même et je n’aurai pas de juge plus sévère que ma conscience.
    Il embrassa ses sœurs, ses frères et partit.
    M me  Saint-Giles dit alors à sœur Adrienne   :
    – Ma fille, vous me trouvez sans doute bien dure et vous pensez que j’ai l’âme sèche   : j’ai pleuré en moi-même mon mari depuis le jour de sa mort sans montrer mon chagrin à mes enfants. Si mon fils mourait, ce serait un deuil de larmes   ! Mais, ma fille, mes paupières seraient d’acier rougi au feu, brûlant les larmes, car, sachez-le bien, notre courage à nous est de ne pas amollir par la pitié la bravoure des hommes.
    – Ma mère, dit Adrienne, j’ai retrouvé mon cœur, et s’il se brise, je tâcherai d’être aussi grande et aussi forte que vous.
    M me  Saint-Giles embrassait sœur Adrienne, quand elle se sentit tirée par la manche.
    Elle se retourna, reçut dix baisers tendres de son fils Ernest   ; puis elle le vit fuir à toutes jambes.
    – Où va-t-il   ? demanda Adrienne.
    – Se battre   ! dit la mère avec un désespoir soudain.
    Cette fois la blessure était trop cruelle.
    Levant la main vers le ciel, elle s’écria   :
    – Oh   ! maudite soit la guerre civile   ! Celui-la était trop jeune   ! Je veux que Saint-Giles me le renvoie.
    Mais baissant la tête, elle murmura   :
    – Il restera   ! je connais cette race de lions   ! La nature mesure nos épreuves à la grandeur de notre orgueil   ! J’étais trop fière de mes enfants   !
    Et, vaincue cette fois, elle embrassa Adrienne et ses autres enfants avec une rage de lionne inquiète.
    Ernest, selon son habitude, avait roulé le long des escaliers de la maison et des pentes de la Croix-Rousse au bas desquelles il s’était trouvé obligé de passer devant la maison Leroyer.
    Là, un appel lui fit lever la tête.
    Il aperçut le fifre qui lui cria d’attendre.
    Ernest s’arrêta, joyeux mais indécis.
    Le fifre, il l’aimait toujours, mais c’était un ennemi, un royaliste.
    Il se décida pourtant à l’attendre et ils échangèrent une poignée de main dans la rue.
    – Tu restes donc avec eux   ? demanda Ernest montrant les garde nationaux.
    – Il le faut bien   ! dit le fifre avec un soupir.
    – Pourquoi   ?
    – Quitter son parti, c’est trahir   ! Ça me fait gros au cœur, mais enfin ils vont se battre   ! Je ne veux pas me faire républicain au moment où l’on est prêt à se tirer des coups de fusil   ! Tu ne le ferais pas, toi   ?
    – C’est vrai   ! dit Ernest.
    – Et ton frère   ? demanda la baronne ou le fifre, comme l’on voudra.
    – Mon frère, il est parti pour le Club et il s’enrôle dans les Carmagnoles. Moi je vais le rejoindre   : ça fait de la peine à ma mère, j’en suis sûr, mais je ne veux pas que Saint-Giles se batte sans moi. Il me semble que j’aurai l’œil autour de lui, que je devinerai les coups et que je l’empêcherai d’être tué.
    Car il ne faut pas qu’il meure maintenant qu’il est fiancé à sœur Adrienne.
    – Ah   !… il est fiancé   !… dit la baronne pâlissant.
    Et brusquement   :
    – Oui   ! oui   ! Sauve-le   ! sauve-le, mon cher petit Ernest   ! Au revoir   ! Bonne chance   ! On m’appelle.
    Elle serra la main d’Ernest et rentra vivement.
    – Tiens, se dit Ernest, j’ai fait une bêtise   ; il tenait pour le mariage de sa cousine avec Saint-Giles et je lui en annonce un autre.
    Il s’envoya une calotte en se traitant d’imbécile, puis se remit à courir.
    En rentrant dans la maison Leroyer, la baronne était d’une humeur massacrante   ; elle rudoya fort ce pauvre

Weitere Kostenlose Bücher