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La belle époque

La belle époque

Titel: La belle époque Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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lèvres sur les joues rouges et plissées de madame Dupire en lui présentant ses meilleurs vœux. Il s'agissait d'une grosse dame dans la cinquantaine, les cheveux déjà grisonnants, la voix haut perchée.
    —    Vos parents se portent bien ? s'enquit-elle.
    —    A les voir si actifs, je suppose que oui. Mon père est parti de bon matin, afin de saluer ses collègues de la rue Saint-Joseph aujourd'hui. Tout ce monde-là sera au travail dès demain. Quant à ma mère, au moment de quitter la maison, elle avait de la farine jusqu'aux yeux. Tous les deux viendront vous saluer bientôt.
    —    Je serai heureuse de les recevoir, assura la dame.
    Quant à son époux, son ventre débordait lourdement au-dessus de sa ceinture et son crâne totalement dégarni paraissait ciré, tant il luisait. Des veinules bleutées marbraient son gros nez rouge.
    —    Monsieur le notaire, enchaîna Edouard en lui tendant la main, je vous souhaite une année pleine de testaments juteux.
    —    Tu rêves donc d'une hécatombe dans la Haute-Ville ? déclara l'autre en riant.
    —    Avec un nombre au moins égal de contrats de mariage, pour faire bonne mesure.
    L'homme se dit une nouvelle fois que ce garnement avait
    la personnalité idéale pour faire un bon vendeur.
    —    Et toi, de quoi rêves-tu ?
    —    ... D'un cours classique qui se terminera bien vite.
    —    Alors que cela se réalise. Tu prendras bien un verre de porto? Fernand m'a dit que tu y as droit,
    —    Mais mo-dé-ré-ment !
    —    Cela aussi, mon fils me l'a répété.
    Le garçon se cala dans le fauteuil que son hôte lui avait désigné, accepta le verre proposé. Heureusement que sa tournée serait courte, sinon il rentrerait chez lui complètement gris. Inhabituelle, la générosité alcoolique de son hôte tenait peut-être à son désir de glaner des informations :
    —Je suppose que dès aujourd'hui ton père se trouve en campagne électorale, déclara le notaire en regagnant sa place.
    —    Ne va pas essayer de tirer les vers du nez de ce garçon, commenta madame Dupire. De toute façon, il n'a pas encore le droit de vote.
    —    Ne vous en faites pas, Madame, je ne livrerai aucun secret du Parti libéral contre ma volonté, opposa Edouard en riant.
    Puis il répondit sur le même ton à son interlocuteur :
    —    Mon père est en campagne tous les jours de l'année, toutes les années du calendrier, tout comme vous.
    L'autre eut un sourire entendu, puis continua :
    —    Avec Leblanc à sa tête, le Parti conservateur livrera une chaude lutte.
    —    Ce sera certainement plus agréable pour les libéraux. La dernière fois, ils avaient l'impression d'être seuls en lice. C'est comme pour la pêche au saumon : on a plus de plaisir si le poisson se défend un peu. Mais êtes-vous certain que votre nouveau chef se fera élire dans sa circonscription de Laval ?
    Madame Dupire eut un petit rire amusé, puis tout à fait rassurée sur l'aptitude du visiteur à se tirer d'affaire, elle reprit son tricot. Prudemment, le notaire amena la conversation sur le mouvement nationaliste.
    Le docteur Caron habitait rue Claire-Fontaine, une artère parallèle à la rue Scott. Vers trois heures, la domestique venue ouvrir afficha une certaine surprise.
    —Je souhaite présenter mes respects à mademoiselle Élise... et à ses parents, bien sûr.
    —    ... Si vous voulez bien me donner votre manteau.
    Un moment plus tard, la jeune fille de la maison arrivait dans le hall d'entrée, le rouge aux joues.
    —    Je m'attendais à voir Eugénie... commença-t-elle.
    —    Ce n'est que moi, déclara le garçon avec un sourire en coin.
    —    Ce n'est pas ce que je voulais dire...
    —    Eugénie ne se sentait pas bien, et je ne pouvais résister à l'envie de vous souhaiter la bonne année.
    Sans vergogne, il s'avança pour lui faire la bise, appréciant au passage le contact de sa taille sous ses paumes, celui de sa poitrine contre la sienne. Elle portait le fourreau de satin étrenné lors du bal du gouverneur.
    —    Toutefois, je réalise qu'en venant ainsi à l'improviste, je manque terriblement de savoir-vivre. Je vous laisse tout de suite.
    —    Non, prenez au moins la peine de saluer mes parents.
    Après l'avoir aidé à enlever son paletot, elle pendit le couvre-
    chef, puis le guida jusqu'au salon, où son père et sa mère parcouraient des magazines. Comme Edouard ne fréquentait

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